Histoire : ces chirurgiens qui opéraient sur le fil du rasoir
Les médecins ont longtemps méprisé la chirurgie, laissant aux barbiers le soin de couper. Mais la chirurgie a fini par s’imposer. Ce samedi à 20h50, Arte revient sur l’«Histoire de la chirurgie».
Chirurgie : discipline médicale qui consiste à pratiquer des actes opératoires sur un corps vivant. Aujourd’hui, de l’ablation des amygdales à l’opération vitale, c’est presque banal. Mais des siècles durant, les médecins n’ont pas voulu entendre parler de chirurgie. Leur art ne s’accommodait pas de ces actes sanglants qu’ils trouvaient déshonorants… C’est à découvrir samedi soir, sur Arte, avec le documentaire «Histoire de la chirurgie».
Mission impossible
Pour réduire la douleur ou prolonger la vie, il faut parfois intervenir à l’intérieur du corps. Nos ancêtres l’avaient déjà compris. On trouve des traces d’actes chirurgicaux chez les hommes préhistoriques, puis dans l’Égypte ou la Grèce antiques. C’est à Rome que sont réalisées les premières césariennes. L’opération n’est toutefois autorisée que si la femme enceinte est morte ou sur le point de mourir. Car à l’époque, on ne survit pas à une césarienne… Il est très compliqué d’opérer alors qu’on ignore à quoi ressemble l’intérieur d’un corps humain, et à quoi sert chacun des éléments qui le composent. Ajoutez à cela la douleur, le sang et les infections que l’on ne parvient pas à gérer… Malgré les découvertes de Galien, médecin grec de l’Antiquité (129-216), opérer est pratiquement mission impossible. La religion va ensuite venir s’en mêler, interdisant d’ouvrir un corps humain.
Rasoir de barbier
«Ecclesia abhorret a sanguine», dit une vieille maxime : l’Église abhorre le sang. Au Moyen Âge, la chirurgie est considérée comme un acte de barbarie. L’institution interdit aux ecclésiastiques d’opérer. Or eux seuls étaient instruits et donc susceptibles d’être médecins. Quand des laïcs embrassent enfin la profession, ils affichent la même répugnance pour le sang et toute forme d’opération. Ces basses besognes sont réservées à une corporation de second rang : les barbiers. Comme ils disposent de rasoirs bien affûtés, on les appelle pour crever un abcès ou faire une saignée. On les convoque aussi à la faculté pour pratiquer les dissections auxquelles assistent les (futurs) médecins. Ces messieurs refusent de toucher eux-mêmes les corps.
Vésale et Paré
Les choses changent au XVIe siècle. D’abord avec un Bruxellois, André Vésale (1514-1564), qui dénonce ce mépris des médecins pour la dissection. Il y consacrera sa vie, laissant derrière lui de précieux traités d’anatomie. En France, c’est Ambroise Paré (env. 1509-1590) qui fait avancer les mentalités. Barbier de formation, il fera ses preuves comme chirurgien de quatre rois de France, de François Ier à Henri III. Mais en 1660, à l’issue d’un procès initié par la faculté de Médecine de Paris, les chirurgiens-barbiers sont privés du droit d’exercer la médecine.
Un royal postérieur
Jusqu’au jour où un roi eut à nouveau besoin d’un chirurgien… En 1686, Louis XIV souffre de ce qu’on appelle pudiquement «une douleur mal placée» : une fistule anale. Durant plusieurs mois, c’est la guerre entre médecins et chirurgiens pour soigner le souverain. La médecine ne l’ayant pas soulagé, le Roi-Soleil se résout à passer entre les mains d’un chirurgien. L’homme n’a jamais pratiqué cette délicate opération. Avant de s’attaquer au postérieur royal, il s’exerce sur plusieurs dizaines d’indigents, qui n’y survivront pas tous. Mais l’opération de Louis XIV est un tel succès que la chirurgie ne sera plus jamais remise en question. L’invention de l’anesthésie et de l’antisepsie lui permettront ensuite de se dérouler dans de meilleures conditions. Et depuis, la chirurgie n’a jamais cessé de progresser.
Cet article est paru dans le Télépro du 18/7/2024
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