Hedy Lamarr, délit de belle gueule
Si elle est restée pour beaucoup une beauté au destin sulfureux, l’actrice est pourtant à l’origine d’une invention aujourd’hui indispensable. Ce dimanche à 23h05, Arte dresse son portrait dans «Hedy Lamarr, star et inventeuse de génie».
À son époque, Hedy Lamarr (1914-2000) n’était «que» «la plus belle femme du monde». Pourtant, celle qui affirmait que «N’importe quelle fille peut avoir l’air glamour. Tout ce qu’elle a à faire, c’est de ne rien faire et de prendre un air idiot» était beaucoup plus qu’un joli visage. Derrière ses yeux azur et ses cheveux de jais se cachait un esprit génial, mais dédaigné. Dimanche soir, Arte lui rend un hommage mérité.
Débuts tapageurs
Hedwig Kiesler voit le jour le 9 novembre 1914 à Vienne, dans une famille juive férue d’art. Sa mère est pianiste, son père directeur de banque. Dès son plus jeune âge, celui-ci aiguise la curiosité de la fillette en lui expliquant le fonctionnement des choses qui les entourent. Or très vite, c’est son physique à couper le souffle qui attire l’attention, plus que son intelligence. À 16 ans, elle franchit les portes d’un studio de cinéma et tourne dans quelques films. Celui qui marquera les esprits, c’est «Extase», en 1933. Elle y apparaît non seulement nue, mais surtout, elle y simule le premier orgasme du cinéma. Sa réputation est faite.
Fuite américaine
La même année, à seulement 19 ans, elle épouse Friedrich Mandl, puissant magnat des armes, fournisseur de Mussolini et allié des nazis. Si son rôle de femme trophée l’ennuie à mourir, les relations de son mari lui permettent d’assister à des conversations secrètes sur l’ingénierie militaire allemande. Mais en 1937, horrifiée par les fréquentations de son époux, elle s’enfuit en Angleterre.
À Londres, elle rencontre Louis B. Mayer, producteur de cinéma, qu’elle suit jusqu’aux États-Unis pour travailler pour la Metro-Goldwyn-Mayer. À Los Angeles, devenue Hedy Lamarr, elle attend le rôle qui changera sa vie. C’est le film «Casbah», en 1938, qui lui ouvre les portes d’Hollywood. Toutes les femmes copient son style, elle fait la une des magazines et enchaîne les rôles – et les hommes – à un rythme effréné.
Inventeuse brillante
Une fois le rideau baissé, Hedy se consacre entièrement à son hobby : les inventions. Dans son atelier, elle révolutionne l’aérodynamisme des ailes d’avions, invente une pastille qui transforme l’eau en soda, cherche à améliorer les feux de signalisation… Mais c’est avec son ami George Antheil, expert en piano mécanique, qu’elle met véritablement son QI au service de l’effort de guerre en 1940.
Pour contrer la menace des sous-marins allemands, Hedy écrit : «Une torpille téléguidée serait la solution.» Sauf que l’ennemi est capable de repérer le signal utilisé et de le brouiller. Hedy pense alors au saut de fréquences. La torpille sera indétectable si le signal radio la guidant change sans cesse de fréquence…
Snobée par l’armée
Le binôme dépose son brevet en juin 1941, mais la Navy s’en désintéresse totalement. Et suggère plutôt à Hedy de miser sur son physique pour aider l’armée américaine en vendant des obligations de guerre. Ce qu’elle fera, récoltant 25 millions de dollars.
Pourtant, son idée sera bien utilisée pour mettre au point une bouée acoustique et des drones de surveillance lors de la guerre du Vietnam (1955-1975). Puis pour la communication militaire au cours de la crise des missiles de Cuba en 1962. Hedy n’en a jamais touché un dollar.
Reconnaissance tardive
À la fin de sa vie, l’ancienne gloire est brisée. Par la fin de sa carrière, par ses arrestations, par l’échec de ses relations amoureuses, par son addiction aux médicaments et à la chirurgie esthétique. Elle s’isole. Ce n’est qu’en 1990, un demi-siècle après sa trouvaille, que la presse reconnaît qu’Hedy Lamarr était «glamour oui, stupide, non».
En 1997, elle reçoit même le prix de l’Electronic Frontier Foundation américaine pour sa contribution à la société. L’industrie de la communication réalise à quel point le saut de fréquences est un outil révolutionnaire. Le GPS, le Wifi, le Bluetooth, les satellites militaires… n’existeraient pas sans elle.
Cet article est paru dans le Télépro du 19/1/2023
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