Mardi à 23h05 sur RTL club, «The Current War : les pionniers de l’électricité», un long métrage d’Alfonso Gomez-Rejon, revient sur la guerre commerciale pour le contrôle du marché de l’énergie entre Thomas Edison et Nikola Tesla.
1880. En cette fin de siècle, la vie nocturne s’éclaire à la bougie et les machines s’activent grâce à la force humaine ou à la vapeur. Pour mettre la lumière sur cette pénombre, deux visions vont s’affronter, celles de Thomas Edison et Nikola Tesla. Récit d’une guerre électrique.
Monsieur mille brevets
22 octobre 1879. Thomas Edison, ancien modeste livreur de journaux et malentendant, annonce avoir mis au point la lampe à incandescence. Son travail est en réalité le perfectionnement de l’invention du Britannique Joseph Swan. Les ampoules électriques, ces bulles de verre vidées de leur air dans lesquelles brûle un filament, existent effectivement depuis le début du XIXe siècle. Cependant, on ne les aime guère, elles sont fragiles et particulièrement éphémères. C’est ce point que Thomas va améliorer. Avant son eurêka personnel, il passe des heures à tenter de trouver le matériau capable de produire une lumière plus stable et continue. Pas moins de trois mille éléments sont testés, du papier à l’écorce d’arbre en passant même par un poil de barbe de son assistant. C’est le fil de coton carbonisé qui fournira finalement le meilleur résultat : son ampoule dure plus de 14 heures, un record. Conscient de la petite révolution qu’il vient d’amorcer, Edison s’empresse de protéger son invention par un brevet (il en déposera plus d’un millier au cours de son existence) et d’en faire la promotion. Le 31 décembre 1879, il met sur pied une démonstration publique et des centaines de personnes affluent pour visiter ce laboratoire entièrement illuminé grâce à l’électricité. Pour la foule, Edison devient bien plus qu’un inventeur, c’est un véritable sorcier !
Alternatif vs continu
Pour industrialiser et améliorer le réseau électrique aux côtés d’Edison, Nikola Tesla, jeune ingénieur serbo-américain, embarque direction New York. Mais la collaboration entre les deux hommes se passe mal. Edison ne jure que par le système de courant en continu. Fiable et capable d’approvisionner des zones densément peuplées, cette technique ne peut néanmoins transporter de l’électricité que sur de courtes distances et nécessite l’installation de petites centrales à charbon dans les centres-villes. Tesla, lui, prône le courant alternatif, moins coûteux et apte à fournir de l’électricité sur de longues distances. Après avoir rompu avec Edison, Nikola s’associe avec l’entrepreneur George Westinghouse, qui partage son point de vue. Au grand dam d’Edison, malgré sa renommée internationale, le courant alternatif semble obtenir les faveurs de ses concitoyens. «Il ne faut pas croire que les gens du XIXe siècle n’étaient pas sensibles à la pollution», détaille l’historien Alain Beltran sur Radio France. «Le charbon pollue, dégage des poussières, il y a parfois des explosions.»
Guerre survoltée
Débute alors une véritable guerre entre les deux camps. Edison ne recule devant rien et se sert de la presse pour insuffler le doute dans l’esprit des Américains désormais éclairés : il l’affirme, le courant alternatif peut s’avérer dangereusement mortel. Pour argumenter son propos, il organise des expériences, ouvertes au public, durant lesquelles des animaux sont électrocutés avec du courant alternatif. «Mais un paroxysme macabre est atteint lorsque Thomas Edison, désirant à tout prix que sa technologie l’emporte, finance secrètement l’invention et la construction de la première chaise électrique en faisant en sorte que celle-ci fonctionne avec un courant alternatif», relate le National Geographic. Le 6 août 1890, William Kemmler est le premier à subir la mort par électrocution. L’exécution rate et les personnes présentes sont horrifiées de voir la chair du condamné brûler sous leurs yeux.
Victoire sans vainqueur
Malgré cette campagne de dénigrement, Tesla résiste et répond par des démonstrations incroyables où il parvient à illuminer des ampoules simplement en les touchant (grâce à l’électricité qui traverse son corps). «Surtout, Tesla va mettre au point des moteurs de plus en plus perfectionnés», poursuit Alain Beltran. «Et l’on se rend compte que quand il faut monter ou abaisser la tension pour faire voyager l’électricité, c’est beaucoup plus facile avec l’alternatif qu’avec le continu.» Cette guerre des courants prend fin en 1896 lorsqu’une grande centrale électrique est construite sur les chutes du Niagara pour alimenter New York en… alternatif.
S’il remporte la partie, Nikola Tesla ne bénéficiera jamais de ce succès. «Inventeur génial, mais piètre entrepreneur, il meurt seul et ruiné en 1943, après avoir laissé des dizaines de brevets qu’il n’a pas commercialisés lui-même.» Edison, de son côté, brevettera 1.093 inventions en tout. Il décède le 18 octobre 1931, toujours au sommet de la gloire. Trois jours après sa mort, en son hommage, les États-Unis se plongeront dans l’obscurité durant une minute.
Cet article est paru dans le Télépro du 14/12/2023