Grotte Cosquer : 500 œuvres sous la mer
Recouverte de gravures et de peintures préhistoriques, la grotte Cosquer est la première grotte sous-marine contenant des œuvres d’art préhistorique jamais mises au jour. Ce mercredi à 21h10 sur France 3, le magazine «Des racines & des ailes» nous la fait visiter.
Cela fait déjà un bout de temps qu’il l’a repéré. La première fois, c’était en 1985, lors d’une plongée dans les calanques de Morgiou, entre Cassis et Marseille. À un peu plus de 30 mètres sous l’eau, il a vu une ouverture dans la roche, un boyau. Où mène-t-il ? Que cache-t-il ? Henri Cosquer l’ignore.
Le temps passe mais dans la tête du plongeur professionnel, rien n’efface l’envie d’éclaircir le mystère. Plusieurs fois, il s’aventure dans le goulot. Plusieurs fois, il est contraint de renoncer. Mais aujourd’hui, il le sent : il touche au but. Henri vient de plonger de son bateau, Le Cro-Magnon.
Le trentenaire entre maintenant dans l’anfractuosité rocheuse. Prudemment. Au bout de 137 mètres, il atteint le bout du «tunnel», enfin. Le faisceau de sa lampe balaie les parois de la grotte qu’il vient de découvrir. Soudain, Henri Cosquer s’arrête, éberlué : ce qu’il voit, dessinée sur la roche, à quelques centimètres de lui, c’est une main. Elle est là depuis près de 30.000 ans !
Pingouins préhistoriques
La découverte est exceptionnelle. Dans l’excitation du moment, le Cassidain se contente de prendre quelques photos, à l’aveugle, avant de faire le chemin en sens inverse, vers son bateau. Quand il développe les clichés, outre la main qu’il avait vue, des dizaines d’autres représentations peintes et gravées apparaissent. Des chevaux, des bisons, des aurochs, des bouquetins, mais aussi des phoques, des grands pingouins et des méduses. Henri Cosquer déclare officiellement sa découverte en 1991.
Avant cela, dans le plus grand secret, il a pris soin de revenir sur les lieux et d’accumuler les vérifications pour s’assurer qu’il ne s’agit pas de «galéjades», ces plaisanteries et exagérations dont les Marseillais ont le secret. Mais de supercherie, il n’y en a pas. Jamais dans le monde aucune grotte sous-marine contenant des œuvres d’art pariétal n’avait été découverte. Au total, ce sont 500 peintures et gravures qui dormaient par 37 mètres de fond depuis tout ce temps.
Dix mille ans sous les mers
Pour retrouver les auteurs de ces œuvres, il faut faire un bond dans le temps de près de 30.000 ans. Deux groupes d’artistes ont été identifiés.
Le premier a fréquenté les lieux en -27.000. Ils provenaient sans doute du nord de l’Italie actuelle et étaient venus s’y réfugier avec des enfants : des marques correspondent à des traces laissées par des enfants portés sur des épaules d’adultes… Le climat est très froid, le niveau de la mer est beaucoup plus bas (au moins 120 mètres) et le rivage est très éloigné (une dizaine de kilomètres). La grotte est donc au sec.
La seconde fréquentation date de -19.000. Puis c’est la fin de la période glaciaire : les températures remontent, le niveau de l’eau aussi, il envahit trois quarts de la cavité, l’entrée est submergée. Pendant près de 10.000 ans, plus personne ne pénètre dans la grotte… jusqu’à ce qu’Henri Cosquer surgisse des flots.
Et la lumière fut
Après trente ans de recherches sur le site et un chantier de deux ans et demi, la grotte préhistorique sous-marine va enfin ouvrir ses portes au public… en plein cœur de Marseille ! Minutieusement reconstituée dans la Villa Méditerranée, elle sera accessible au public dès le 4 juin. Les visiteurs y voyageront à bord de modules d’exploration pour découvrir ses secrets enfouis.
Henri Cosquer ? Un pourcentage des entrées devrait lui être versé. Jusque-là, déclarait-il dans une interview au magazine Géo, la grotte (qui porte son nom) ne lui a encore rapporté «aucun centime, à part des emmerdes»…
Cet article est paru dans le Télépro du 19/5/2022
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