Greffes généralisées : les espoirs de la xénotransplantation d’organes
C’est une première : un humain vit avec un cœur de porc ! Hypercomplexe, la greffe d’organe est toujours plus prometteuse. Espoirs et doutes, évoqués notamment ce mercredi à 23h05 sur La Une dans le magazine «Matière grise».
Dans la salle d’opération, ils sont une dizaine. Masqués, gantés : les chirurgiens et les assistants sont en pleine intervention. L’un d’eux montre à la camera l’organe qu’il s’apprête à transplanter. Ce 7 janvier 2022, pour la première fois, le cœur d’un animal va battre dans la poitrine d’un humain. Il va continuer à vivre grâce à… un porc ! Une révolution dans l’histoire des greffes, jalonnée d’épisodes incroyables.
Conte de Noël
Flashback sur Richard J. Herrick, 23 ans, américain. Ce 23 décembre 1954, il va recevoir un cadeau de Noël inimaginable. Richard souffre d’une inflammation du rein susceptible de le tuer. Dans cet hôpital de Boston, son chirurgien, le Pr Murray, en est convaincu : si jusque-là, les essais de greffes d’organe ont échoué, cette fois, il n’en sera pas de même. Car le rein dont Richard a besoin pour survivre, est celui de son vrai jumeau, Ronald.
Aux yeux du scientifique, les risques de rejet de l’organe donné sont fortement diminués, les chances de réussites sont réelles. Et ça marche ! Non seulement l’intervention est un succès mais, au-delà de la prouesse scientifique, elle se double d’une love story digne d’Hollywood : Richard tombe amoureux de l’infirmière à son chevet et l’épouse. Grâce à son jumeau, il vivra cette idylle improbable durant huit ans.
C’est le cœur, docteur
Le temps passe, la science progresse. Elle évolue dans des secteurs ouvrant des perspectives de plus en plus larges aux greffes d’organes. Parallèlement aux progrès de la chirurgie, la recherche sur le système immunitaire et la découverte des groupes tissulaires permettent des avancées majeures pour traiter et contrer les rejets des organes par les receveurs. Un écueil dont cette déclaration de 1970 résume l’ampleur : «Je savais que la grande lutte (…) n’était pas de placer un organe neuf chez un être humain mais de parvenir à ce qu’il y demeurât».
Son auteur ? Christiaan Barnard. À l’époque, ce chirurgien sud-africain est une star : il est l’auteur de la première transplantation cardiaque opérationnelle de l’Histoire. Trois ans plus tôt, le 3 décembre 1967, il est à la tête de l’équipe médicale ayant greffé un cœur à Louis Washkansky, 55 ans, souffrant d’une maladie cardiaque incurable. Il décédera dix-huit jours plus tard…
Un grand pas pour l’homme
Trachée, main, bras, visage… : des greffes incroyables à l’époque sont désormais réalisées. Celle d’un cœur de porc dont a bénéficié David Bennett du Maryland, 57 ans, est un pas supplémentaire. Une enjambée de géant ? Son chirurgien, le Pr Griffith, en est persuadé. Dans un communiqué de l’université du Maryland, il déclare qu’il s’agit «d’un pas de plus vers la résolution de la crise de la pénurie d’organes».
Ce progrès interpelle
Pour réaliser la xénogreffe (greffe sur un humain d’un organe d’une autre espèce) et l’expérimenter sur un patient atteint d’une maladie cardiaque en phase terminale, l’équipe médicale a utilisé le cœur d’un cochon génétiquement modifié : l’animal a été l’objet de dix «transformations» pour éviter au maximum les rejets et favoriser l’accueil par le système immunitaire.
Combien de temps de vie supplémentaire pour le patient ? Quel impact sur la santé du patient des médicaments contre le rejet ? Nombre de questions attendent des réponses. Sur le plan éthique, la greffe d’organes animaliers interpelle quant à l’expérimentation sur les cobayes. Alors que l’on débat dans les facultés, l’espoir d’être greffé plus vite existe-t-il pour les patients ? En Belgique, l’an passé, le SPF Santé recensait 1.466 patients sur une liste d’attente pour 261 donneurs…
Cet article est paru dans le Télépro du 3/3/2022
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