Greffe : un cœur à prendre… et à donner
Rein, cœur, foie, poumons… : les transplantations sont devenues le quotidien de la médecine. Ce dimanche à 16h10, TF1 propose un intéressant documentaire sur le sujet.
C’était au temps où l’on collectionnait les figurines des vedettes du moment. Glissées dans des emballages de biscuits au chocolat, leurs photos de 4 centimètres sur 6 s’échangeaient dans les cours de récréation. Elles seraient ensuite précieusement collées dans un album dont le détenteur se munirait pour l’exhiber fièrement à ses condisciples une fois terminé.
Une fois terminé : c’était bien là le problème pour l’édition de 1968. Car un «chromos», comme on les appelait, manquait à bien des collectionneurs en culottes courtes. Celui d’un certain Christiaan Barnard. Qui pouvait-il bien être ce personnage méritant sa place aux côtés de l’astronaute John Glenn ou de Zorro ? Un footeux ? Un acteur ? Un présentateur télé ? Nous allions découvrir le visage anguleux d’un homme aux pommettes saillantes et au regard perçant, un chirurgien sud-africain élevé au rang de vedette : le premier à transplanter un cœur humain.
Médiatique à souhait, le professeur Barnard n’allait pas uniquement réaliser cette prouesse médicale le 3 décembre 1967. Grâce à sa médiatisation, il allait greffer sa passion pour la médecine dans l’esprit de nombreuses têtes blondes collectionneuses des photos de vedettes. Les greffes, il n’était pourtant pas le premier à en tenter. Et il ne sera pas le dernier non plus.
Cent fois sur le métier…
Bien avant 1967, de nombreux scientifiques n’ayant pas leur photo dans les albums pour enfants s’y sont essayés. En -800, en Inde, le traité médical de « Susruta » décrit des greffes de peau sur les nez amputés des criminels, mais il faut attendre un millénaire pour que le Français Jacques-Louis Reverdin réussisse à Paris la première auto-greffe de peau : il couvre des surfaces sans peau de petites pièces d’épiderme qu’il étend sur la plaie.
Au début du XXe siècle, les progrès dans le domaine des transplantations se font attendre. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que les choses commencent à bouger : première transplantation d’un rein en 1952, première transplantation de moelle osseuse 5 ans plus tard. Arrivent les années 60 et cette constatation de l’encyclopédie médicale Quillet au sujet des greffes : « Personne ne contestera ce fait : les greffes ou transplantations d’organes constituent actuellement un des chapitres les plus « en vogue » de la médecine, un des chapitres intéressant toutes les spécialités, un de ceux qui ne laisse personne indifférent quant aux immenses possibilités qu’elles laissent entrevoir ».
Avec le cœur d’un chimpanzé
En 1963, aux États-Unis, le chirurgien Thomas Starzl réalise la première transplantation d’un foie. La même année, son collègue James D. Hardy réussit sur un condamné à mort la première transplantation pulmonaire au monde. Mais c’est un an plus tard qu’il réalise ce que personne n’imaginait. Alors qu’un patient arrive mourant aux urgences de l’hôpital universitaire du Missouri, le scientifique et son équipe cherchent un donneur pour lui greffer un cœur. En vain.
James Hardy choisit alors une option qui va faire beaucoup de bruit. Il décide de greffer à son patient… un cœur de chimpanzé. Et ça marche ! Le cœur de l’animal bat dans la poitrine humaine. Le patient survit pendant 90 minutes avant de s’éteindre. Malgré les nombreuses critiques dont il sera l’objet, James Hardy vient de démontrer qu’une greffe de cœur est techniquement possible. Trois ans plus tard pratiquement jour pour jour, dans un hôpital du Cap, Christiaan Barnard prouvera qu’il avait raison.
Frankenstein es-tu là ?
Les progrès dans le domaine des greffes vont alors se multiplier. En 1968, chez nous, à Gand, Fritz Derom réalise la 1re greffe de poumon. Les premières s’enchaînent : premier cœur artificiel, première greffe de mains, de visage, d’utérus, première transplantation de langue… Rein, cœur, foie, poumons, pancréas comptent parmi les organes les plus fréquemment transplantés aujourd’hui. Et si les greffes de cerveau ne semblent pas encore à l’ordre du jour, le chercheur italien Sergio Canavaro affirme être bientôt prêt pour la première greffe de tête humaine. Frankenstein si tu nous lis…
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 10/9/2020
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