Géopolitique : micmac en Macédoine

Antique, grecque, du Nord… : même Alexandre le Grand y perdrait son latin. Ce samedi à 22h20 sur France 5, «Échappées belles» nous emmène en Macédoine.

Si vous avez décidé de passer vos vacances en Macédoine, vérifiez bien où vous allez avant de partir. République de Macédoine du Nord ? Macédoine grecque ? Et s’il s’agit de celle-ci, avez-vous opté pour la Macédoine occidentale, Orientale-et-Thrace ou la Macédoine centrale ? À première vue, ça a l’air bien compliqué tout ça. Regardé de plus près…, ça l’est davantage : même l’origine du nom pose question.

Alexandre XXL

Pour certains, le nom Macédoine viendrait de Makedon, le chef d’une tribu mythologique. Pour d’autres, il renverrait à la grande taille des habitants de la région, à moins que ça ne soit au relief élevé de celle-ci… Une chose semble mettre tout le monde d’accord : quelle que soit la signification originelle, c’est dans cette région que s’écrivit l’histoire d’un des plus exceptionnels conquérants de l’Antiquité : Alexandre le Grand.

Lorsqu’il est couronné roi en 336 avant Jésus-Christ, Alexandre III n’a que 20 ans. Son père, Philippe II, lui laisse un royaume de Macédoine et d’Olympias qui a pris la mesure d’Athènes et domine la Grèce continentale. Le jeune monarque n’a de cesse d’augmenter l’hégémonie de son pays. Il multiplie les victoires militaires contre les Perses, s’empare de Thèbes, prend l’Égypte, Babylone, en Mésopotamie, conduit ses troupes au succès jusqu’en Inde…

Lorsqu’il meurt d’une longue et forte fièvre à l’âge de 32 ans, c’est un maître du monde qui s’éteint et un mythe qui voit le jour. Comme des peuples multiples et différents habitent son empire, Macédoine devient très vite et dans de nombreuses langues un terme de la vie quotidienne synonyme d’assemblage de choses diverses, comme la macédoine de légumes ou de fruits.

Une poudrière

L’expression subsiste. L’empire, lui, fait long feu. Orpheline d’Alexandre le Grand, la suite de l’histoire du pays est moins glorieuse et particulièrement chahutée. Dès le décès du monarque, ses généraux se partagent l’immense territoire qui aiguise bien des appétits au fil du temps. D’abord conquise par les Romains, la Macédoine «historique» est ensuite envahie par les Slaves au VIIe siècle. Puis c’est au tour des Bulgares d’en prendre le contrôle. Ils seront suivis par les Serbes, puis par les Ottomans…

Au début du siècle dernier, la région des Balkans est une poudrière. Grecs, Serbes, Albanais, Bulgares : tout le monde veut sa part du gâteau macédonien. Au gré des alliances, des combats, des victoires, des défaites, les cartes sont battues et rebattues. Au terme de ces guerres balkaniques puis de la Première Guerre mondiale, la Macédoine historique est pour partie grecque (avec comme capitale Thessalonique), tandis que la Serbie a la main mise sur la Macédoine du Nord (et sa capitale Skopje). À la fin de la Seconde Guerre mondiale, celle-ci devient une des six républiques de la Yougoslavie dirigée par Tito. En 1991, la Macédoine choisit l’indépendance.

Un accord historique

Problème : quel nom donner au nouveau pays ? Pas question pour la Grèce d’accepter qu’une autre Macédoine coexiste officiellement avec «sa» Macédoine. L’orage gronde à nouveau… jusqu’au 12 juin 2018. Ce jour-là, le président macédonien Zoran Zaev et le Premier ministre grec Aléxis Tsípras paraphent un accord historique. Le nouveau pays s’appellera République de Macédoine du Nord.

Depuis lors, le petit pays de 2 millions d’habitants enclavé entre l’Albanie, le Kosovo, la Serbie, la Bulgarie et la Grèce est devenu membre de l’Otan. Lieu stratégique entre l’Europe orientale et la Méditerranée, il est candidat à l’Union européenne et, en attendant que Bruxelles se prononce sur son sort, il s’est offert une belle visibilité internationale en participant à l’Euro de football et au Concours Eurovision de la chanson…

Alors ? Du Nord avec des montagnes ou grecque avec la mer : quelle Macédoine pour cet été ?

Cet article est paru dans le Télépro du 1/7/2021