Fromage foutu, fromage fondu…

Image extraite du documentaire diffusé ce mardi sur France 5 © France 5/Les Films de l'Odyssée

En triangle ou en barquette, sur le pain ou en gâteau, le fromage tartinable fait son show. Mardi à 21h, France 5 diffuse le documentaire «Fromage à tartiner : la portion magique ?».

Elle a une bonne bouille, toute rouge, avec des cornes et un museau blanc. Mais c’est le sourire de cette vache hors du commun qui fait son charme : un bovidé qui rit, ça ne court pas les champs. Pourtant, elle en a fait des petits en 100 ans d’existence. Elle est même devenue un des emblèmes les plus connus du commerce mondial, une des icônes d’un produit lui aussi centenaire : le fromage fondu. Une «success story» qui débute en Suisse au début du siècle dernier.

La vache à lait

À la fin du XIXe siècle, la production laitière est en plein essor. Celle des fromages d’Emmental et de Gruyère, notamment, ne cesse d’augmenter. Une question se pose toutefois aux producteurs : que faire de la quantité importante de déchets qui en résulte ? Une société suisse, Gerber, invente alors le procédé du fromage fondu.

En réalité, ce serait trois frères, Gottfried, Emile et Otto Graf, qui auraient mis le procédé au point en 1907, «une recette économique et goûteuse, qui a surtout le mérite de recycler les meules fendues ou en excédent, et celles de mauvaise qualité», indique sur son site le Camembert Museum. De surcroît, transporté dans des conditionnements métalliques, il peut voyager, résister à la chaleur et se conserver longtemps. Comme dirait le dicton : «Fromage foutu, fromage fondu !»

La recette voyage

Auréolée de tous ces avantages, la recette traverse les frontières. Elle arrive en France, dans le village jurassien de Lons-le-Saunier, où un certain Léon Bel possède une entreprise fromagère. Il a 43 ans, en 1921, quand il décide de lancer La vache qui rit. Pour ce nom et le logo qui l’accompagne, il s’inspire d’un dessin peint sur les véhicules de son bataillon lors de la Première Guerre mondiale, un bovidé souriant symbolisant une «Walkyrie», pied de nez à l’ennemi allemand. Dans la foulée, un de ses concurrents lancera lui aussi son fromage fondu qu’il baptisera La vache sérieuse. Une décision de justice aura raison de celle-ci.

Portion magique

Depuis, l’entreprise n’a cessé de prospérer. Selon planetoscope.com, 125 portions triangulaires sont consommées dans le monde chaque seconde, soit près de 3,94 milliards par an. Dans un marché mondial du fromage estimé à plus de 20 millions de tonnes annuelles (près de 655 kilos par seconde), le fromage fondu pèse de plus en plus lourd : en dix ans, les ventes ont augmenté de 30 % et dépassent aujourd’hui celles du camembert.

Mardi à 21h sur France 5, l’émission «Fromages à tartiner : la portion magique» s’intéresse aux clés de cette réussite : un goût simple qui rappelle l’enfance, un prix plancher et, surtout, un marketing imparable. Elle examine aussi la façon de procéder des fabricants qui rivalisent d’astuces pour donner à leurs produits une image authentique, loin de l’univers industriel dans lequel ils sont fabriqués.

Objectif santé

La recette du début a évolué. Cheddar, emmental ou gouda remplacent désormais les déchets autrefois recyclés pour fabriquer le fromage à tartiner. «La situation est devenue paradoxale», écrit le maître cuisinier de France Jean-François Maire. «Désormais, il faut d’abord fabriquer un fromage avant de le détruire pour élaborer le fromage fondu.»

Un «tartinable» qui dépasse aujourd’hui largement cette fonction. Potages, gâteaux, collations, flans… : le fromage fondu a agrandi sa panoplie. Riche en graisses saturées, il ne fait toutefois pas l’unanimité chez les nutritionnistes. Le centre pour l’alimentation des Pays-Bas conseille par exemple de n’en consommer qu’exceptionnellement.

Le site belge Passion santé constate de son côté que la teneur en graisses et en protéines par 100 g est moins importante que dans un fromage normal. En revanche, il serait deux fois plus riche en sel… Avantages, inconvénients : pendant ce temps, la vache rit. 

Cet article est paru dans le Télépro du 3/11/2022

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