Frans Hals : souriez, vous êtes filmé !
On a pris l’habitude de sourire sur les photos. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Sur les portraits anciens, les traits étaient figés. Jusqu’à ce que Frans Hals, un peintre hollandais, décide d’en rire… Ce dimanche à 18h, Arte diffuse «Frans Hals – Le Maître des sourires».
Quand on parcourt les galeries de portraits dans les musées d’arts anciens, jamais on n’aperçoit un sourire. Nobles dames, valeureux militaires ou riches marchands, tous semblent figés pour l’éternité… sans la moindre expression sur le visage ! À l’époque, on ne disait pas «cheese» avant de se faire tirer le portrait. Jusqu’à Frans Hals. Moins connu que Rembrandt ou Vermeer, Hals est pourtant considéré comme le troisième grand maître du baroque néerlandais. Ce dimanche, Arte lui consacre un portrait : «Frans Hals, le maître des sourires». Mais derrière ses toiles se cache une vie moins souriante…
Au Siècle d’Or
Frans Hals naît à Anvers, qui dépendait alors des Pays-Bas méridionaux, vers 1580. En 1585, après la victoire espagnole dans le siège d’Anvers, la famille est contrainte de s’exiler. Elle trouve refuge 150 kilomètres plus au nord, à Haarlem, non loin d’Amsterdam. Il semble que Frans Hals apprenne la peinture dès son plus jeune âge.
À 30 ans, il devient membre de la guilde de Saint-Luc, la corporation des peintres, graveurs, sculpteurs et imprimeurs. À cette époque, les Pays-Bas sont au sommet de leur richesse et de leur gloire. C’est le Siècle d’Or néerlandais. Mais Frans Hals, malgré son indéniable talent, a du mal à en tirer profit. Il fait énormément de portraits sur commande, travaille comme marchand de toiles, se fait engager comme restaurateur de tableaux anciens… Mais jamais il ne parvient à nouer les deux bouts.
Il faut dire que, après avoir eu trois enfants d’un premier mariage, il en aura onze d’un second. Difficile de boucler les fins de mois avec seize bouches à nourrir ! À de nombreuses reprises, le peintre se retrouve donc traîné devant les tribunaux par le boulanger, le boucher ou le cordonnier chez qui il a des dettes toujours plus colossales. Dans un inventaire des années 1650, il est écrit que la famille possède trois matelas et traversins, une armoire, une table et cinq peintures. C’est tout. Les Hals vivent dans une grande précarité.
À gorge déployée
Est-ce pour faire la nique à cette vie tragique que la peinture de Hals est joyeuse ? Dans l’histoire de la peinture occidentale, les portraits sont toujours statiques, sérieux et solennels. Le sujet doit contrôler son corps et ses émotions. Mais tout cela vole en éclats avec Frans Hals. Ses tableaux sont d’une telle expressivité que, outre l’apparence physique et vestimentaire, ils révèlent le caractère et l’état d’esprit du personnage. Il y a quelque chose de spontané, d’authentique. Et cela passe par le sourire, comme celui de «La Bohémienne». Ou le rire, comme celui de son «Joyeux buveur» ou de sa «Malle Babbe».
Mais l’artiste a compris aussi que seuls les gens du peuple pouvaient rire à gorge déployée. Pour le portrait de gens aisés, Hals réussit néanmoins à briser la traditionnelle raideur et à créer une vraie expressivité avec un sourire plus posé. Comme pour «Le Cavalier riant». Ce noble jeune homme est peint avec de fastueux habits brodés, collerette et manchettes en dentelle, chapeau noir et moustache soignée. Très classe. Mais il affiche un petit sourire pincé, et surtout des yeux rieurs qui donnent à cette peinture une incroyable modernité.
Cet article est paru dans le Télépro du 11/7/2024
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