Fatigue chronique : fatigué d’être… fatigué !

De par le monde, entre 17 et 24 millions de personnes souffriraient d’un syndrome de fatigue chronique (SFC) © Arte/Johannes Schneeweiss
Alice Kriescher Journaliste

Dans le monde, des millions de personnes souffriraient du syndrome de fatigue chronique. Un mal méconnu et actuellement sans remède.

Auparavant actifs, sportifs et à la vie bien remplie, les malades que l’on suit dans le documentaire d’Arte «Le Syndrome de fatigue chronique» (samedi, 22.40) sont aujourd’hui incapables de fournir le moindre effort intellectuel ou physique, et aucun traitement ne peut les guérir ! Ils souffrent du syndrome de fatigue chronique (SFC) – aussi appelé EM pour encéphalomyélite myalgique -, qui se caractérise par un épuisement extrême et persistant.

Mal mystérieux

«C’est comme si on te débranchait.» Voilà comment Sonja Kohl, 39 ans, décrit le mal dont elle souffre depuis huit ans. Seule solution lorsque l’éreintement la gagne : se mettre au lit dans l’obscurité la plus totale. Des personnes qui deviennent l’ombre d’elle-même, comme Sonja, à cause du SFC, il y en aurait entre 17 et 24 millions à travers le monde.

En Belgique, ce syndrome est souvent associé à une autre condition, la fibromyalgie. Dans le premier cas, l’épuisement prédomine et empêche toute activité. Dans le second, les douleurs musculaires anéantissent l’énergie des malades. Le monde médical est incapable de dégager une cause expliquant cette maladie identifiée dès 1985.

Ses symptômes ? Une fatigue intense durant depuis plus de six mois, un malaise après l’effort, des céphalées, des troubles de la concentration, une intolérance à la position debout, des douleurs musculaires ou encore des pharyngites à répétition.

Malade «imaginaire»

Comment expliquer que les patients touchés se sentent si seuls, alors que, depuis 1992, l’OMS les reconnaît comme atteint d’une maladie neurologique grave ? Sociologiquement, ce genre de mal, à l’instar de la fibromyalgie, est souvent soupçonné d’être une pure invention.

Longtemps (trop ?), le monde scientifique a hésité entre trouble neurologique et trouble psychologique pour qualifier le SFC, estimant que la description des maux ressemblait à un état anxiodépressif. Aujourd’hui, les travaux se concentrent davantage sur des origines hormonales, immunitaires, musculaires ou toxicologiques.

Chez nous, la maladie toucherait des dizaines de milliers de personnes, mais obtenir un bon diagnostic reste le parcours du combattant. Pour le Dr. Étienne Masquelier, expert scientifique du Conseil supérieur de la Santé, il est temps de donner une meilleure visibilité au SFC. «C’est un grand problème si les médecins en formation ne reçoivent pas d’enseignement sur ce problème», regrette-t-il sur le site de la RTBF. «Si on fait des examens, on ne met pas en évidence d’anomalie biologique et à ce moment-là, il y a ce réflexe un peu ancien de chacun d’entre nous d’y voir la responsabilité du patient, c’est dans la tête, c’est de sa faute en fait.»

En Belgique, des centres de diagnostics multidisciplinaires pour le SFC existent toutefois et sont recensés sur le site Riziv.fgov.be.

Covid long et éreintant

La crise du covid pourrait apporter une lueur d’espoir pour les malades. En effet, si les chercheurs avaient déjà émis l’hypothèse que la fatigue chronique semblait souvent survenir après une infection virale, ceux qui souffrent du «covid long» – exigeant un temps de récupération post-viral anormalement élevé -, pourraient confirmer cette intuition.

«On connaît assez mal le SFC, sa physiopathologie doit être mieux étudiée. Et l’on voit des personnes infectées par le covid-19 qui développent un syndrome post-viral qui y ressemble», explique Mayssam Nehme, médecin, sur le site de la RTS. «Lors d’autres épidémies, comme le SRAS en 2003, on a vu une hausse de la prévalence de symptômes de fatigue persistante et d’encéphalomyélite myalgique dans la population mondiale mais on manque encore de connaissance…»

Cet article est paru dans le Télépro du 8/7/2021

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici