Faites vos jeux !

Le jeu n'est pas réservé qu'aux enfants ! © Getty
Stéphanie Breuer Journaliste

Jouer est ancré dans notre nature, et dans celle de toutes les espèces animales.Ce jeudi à 19h50 dans «Tout s’explique» sur RTL-TVI, Maria Del Rio enquête sur la question aux quatre coins du monde.

Homo ludens

Au premier abord, le jeu est associé à l’enfance. Or, jouer fait partie de la nature humaine et est apprécié à tout âge. Dans les années 1930, l’historien néerlandais Johan Huizinga qualifie d’ailleurs l’homme, qui se construit grâce au jeu, d’homo ludens (l’homme qui joue), en référence à homo sapiens (l’homme qui sait) ou homo faber (l’homme qui fabrique). Le jeu est si présent dans nos vies qu’il se retrouve dans de nombreuses expressions de la langue française : tirer son épingle du jeu, d’entrée de jeu, se prendre au jeu, mettre en jeu, jouer carte sur table, jouer avec le feu, être pris à son propre jeu, avoir beau jeu… Et certaines sont même issues d’un jeu en particulier : «rebelote» (belote), «damer le pion» (dames), «être plein aux as» (poker), «être sous la coupe de quelqu’un» (cartes)… Ancêtre des sports de raquette, le jeu de paume, très populaire pendant plusieurs siècles, nous a aussi laissé des expressions, comme «tomber à pic», «épater la galerie», ou encore «jeu de main, jeu de vilain» (car les pauvres, soit les vilains, y jouaient sans raquette).

Vieux comme le monde

Pour de nombreuses générations, il a été une star des cours de récréation. Tout comme la toupie, le yo-yo est l’un des jouets les plus anciens du monde. Composé de deux disques réunis par un axe autour duquel une corde s’enroule, il permet de réaliser des figures complexes et fait aujourd’hui l’objet de compétitions internationales. «Les enfants de l’Antiquité gréco-romaine y jouaient déjà», raconte Véronique Dumas dans «Les Jeux d’enfants» (Historia). «À l’époque, il est fabriqué en terre cuite ou en bois. Mais il semble que l’ancêtre du yo-yo soit apparu aux Philippines, sans doute à la période du paléolithique. Les chasseurs utilisent comme arme une pierre attachée à une liane. À l’affût dans un arbre, ils la lancent pour assommer leurs proies à terre. En cas d’échec, ils la remontent et recommencent. La légende philippine raconte que l’un de ces chasseurs, plus malin que les autres, a un jour l’idée d’enrouler la liane autour d’une pierre taillée et s’aperçoit, avec la satisfaction que l’on imagine, que son casse-tête lui revient bien plus rapidement.»

Jouer à la guerre

Autres jeux de plateau très populaires, les jeux de guerre («wargames» en anglais). «Risk» en est un exemple, même si les puristes le jugeront trop simpliste pour être qualifié de «wargame». Pourtant, au départ, ces jeux n’avaient pas pour objectif de divertir… «Les activités ludiques – dés, jeux de pions, cartes – sont l’un des passe-temps du soldat, qu’il soit en campagne ou en casernement», écrit l’historien Antoine Bourguilleau dans son récent livre «Jouer la guerre : Histoire du wargame» (Passés Composés), «et, au-delà de la récréation, la re-création fait partie des obsessions des officiers et généraux, qui étudient les campagnes du passé afin de se former à la conduite de la guerre à une échelle très éloignée de celle du simple soldat : celle de la bataille ou celle de la campagne.» Apparu en Prusse au XVIIIe siècle, le «kriegsspiel» («jeu de guerre» en allemand) est une version modernisée et complexifiée du traditionnel jeu d’échecs. À l’époque, les membres des armées – fantassins, cavaliers, artilleurs… – peuvent s’entraîner au combat. Par contre, les officiers supérieurs ne reçoivent qu’une formation théorique. Certes, de grandes manœuvres sont parfois organisées, mais celles-ci nécessitent des hommes et des moyens financiers importants. Les jeux de guerre sont alors intégrés à la formation des officiers. Les plateaux comptent des milliers de cases, les règles sont complexes et les parties peuvent durer plusieurs semaines. Des dés sont également utilisés pour intégrer, comme dans la réalité, une part de hasard. Petit à petit, ces jeux se retrouvent dans de nombreux états-majors et écoles militaires à travers le monde.

Tour du monde

Jouer est universel, toutefois chaque culture possède ses propres jeux. En Afrique, l’awalé est très apprécié. Il se joue avec des graines (voire des pierres ou des coquillages) qu’il faut répartir sur un plateau comportant deux rangées de six trous (parfois creusés à même le sol). L’objectif de ce jeu, dont il existe de nombreuses règles différentes, est de récolter plus de graines que son adversaire à la fin de la partie. En Asie orientale, le mah-jong est très populaire. Ce jeu de dominos, d’origine chinoise, se joue à quatre personnes, avec des petites tuiles affichant des symboles de différentes familles (les caractères, les fleurs, les bambous…). Le but est de regrouper des tuiles identiques. Bien connue chez nous, une variante existe pour jouer en solitaire. En Inde, tout comme au Yémen ou en Birmanie, le carrom se joue sur un grand carré en bois au centre duquel sont placés des pions : neuf blancs, neuf noirs et un rouge. Rappelant le principe du billard, l’objectif est de percuter les pions afin de faire rentrer tous ceux de sa couleur dans des trous.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 26/11/2020

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