Fabergé : la chasse aux œufs inestimables

Quelques-unes des créations ovoïdes signées Fabergé © RTBF
Stéphanie Breuer Journaliste

«Le Temps d’une histoire» consacre le numéro de ce vendredi soir au joaillier Carl Fabergé et ses non moins célèbres créations. À voir sur La Une, à 22h35.

Symbole de luxe et de raffinement, son nom est pour toujours associé aux fameux œufs de Pâques imaginés pour la famille impériale russe. Car c’est bien loin de la France natale de ses ancêtres que Carl Fabergé, dont le destin est intimement lié à celui des Romanov, a donné ses lettres de noblesse à son patronyme. Vendredi soir sur La Une, Patrick Weber dresse le portrait de cet artiste qui a brisé les codes de la joaillerie traditionnelle.

Huguenote, la famille Fabergé est forcée de quitter la France en 1685, après la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV. Elle rejoint les bords de la Baltique, où elle obtient la nationalité russe. Jeune orfèvre ambitieux, Gustave Fabergé s’installe à Saint-Pétersbourg. Bâtie sur le delta de la Néva, la ville impériale est alors un carrefour artistique et culturel qui attire des artisans de toute l’Europe.

C’est là, à quelques pas du palais d’Hiver des Romanov, que naît, le 30 mai 1846, son fils, le jeune Carl Fabergé (Peter Karl dans sa version russe). À 15 ans, ce dernier part pour un voyage initiatique à travers l’Europe et se forme dans les plus grands musées et bijouteries de l’époque. 

Entreprise familiale

Dix ans plus tard, Carl Fabergé prend les rênes de l’entreprise que son père, retraité, lui a laissée. Son travail est rapidement remarqué par le tsar Alexandre III. «Ce géant barbu, capable de plier un rouble entre ses doigts, est aussi un mécène, amoureux des arts et client de la maison Fabergé, qu’il fait entrer dans le cercle réduit des bijoutiers d’envergure internationale», écrit Caroline Charron dans «Fabergé, l’orfèvre des tsars» (Historia).

Mais Carl bénéficie aussi d’un autre «atout déterminant» en la personne de son jeune frère Agathon. Les qualités des deux hommes se complètent : l’aîné est un entrepreneur visionnaire et le cadet un talentueux dessinateur. Ensemble, ils vont bouleverser le marché de la joaillerie.

Tradition pascale

Carl souffle au Tsar l’idée d’un présent pour son épouse Maria Feodorovna, afin de renouer avec la tradition de s’échanger des œufs précieux pour Pâques, fête la plus importante du calendrier orthodoxe. En 1885, après un an de travail, il présente son «œuf à la poule» : un œuf en or, recouvert d’une couche d’émail blanc mat, renfermant plusieurs surprises, dont une poule aux yeux incrustés de rubis. L’impératrice est si heureuse de son cadeau que le tsar informe Fabergé qu’il devra, chaque année, en fournir un différent.

Au total, plus de cinquante œufs impériaux, toujours plus travaillés et complexes, sortiront des ateliers. Car, après la mort d’Alexandre III en 1894, son fils, le tsar Nicolas II, perpétue et amplifie la tradition, en offrant des œufs à son épouse et à sa mère. Devenu le joaillier des tsars, «Carl participe, à travers ses créations, aux voyages, commémorations, fêtes officielles ou personnelles des Romanov», poursuit Caroline Charron. «Son travail conquiert le monde entier. Au tournant du siècle, la maison Fabergé est prisée des têtes couronnées d’Europe ou d’Inde ; aussi bien l’empereur de Chine que les milliardaires américains font des razzias dans la boutique pétersbourgeoise.»

Mais le vent finit par tourner et, en 1917, la Révolution éclate. Les Romanov sont exécutés et la maison Fabergé est fermée par les bolcheviks. Déguisé en cocher, Carl fuit en Suisse, où il s’éteint en 1920, avant d’être inhumé dans la France que ses ancêtres avaient quittée plus de deux siècles auparavant.  

Article paru dans Télépro du 25/03/2021

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