Exploration spatiale : Ariane perd le fil

Face à la concurrence, Ariane a du souci à se faire © France 5/ESA-CNES-Arianespace/Optique vidéo du CSG/S. Martin

Dépassée par ses rivaux dans la course à l’espace, la fusée européenne bat de l’aile. Ce jeudi à 20h55, France 5 diffuse le documentaire «Ariane, une épopée spatiale».

Élancée, stylée, Ariane a fait tourner la tête au monde entier. Dans les années 1980, cette Européenne au tempérament de feu promettait d’envoyer au septième ciel tous ceux qui tombaient sous son charme. Et ils avaient raison.

Non seulement la belle tenait ses promesses, mais de plus, monter avec elle était moins onéreux et moins risqué qu’avec une Américaine susceptible de les larguer avec pertes et fracas en plein vol. La fougue de la jeunesse alliée à l’audace : Ariane était une reine dans son domaine.

Le temps a passé. Aujourd’hui la quadragénaire aérienne et gracile doit affronter une nouvelle génération de concurrentes. Dur dur d’être une fusée…

Un si joli prénom

24 décembre 1979. Dans un panache de fumée blanc, elle s’arrache lentement du pas de tir du centre spatial de Kourou, en Guyane. Grâce à ce premier vol réussi, l’Europe trouve enfin son chemin vers l’espace, une porte qui lui assure un précieux accès à l’autonomie dans ce domaine et fait d’elle une authentique puissance spatiale. Le nom donné à ce lanceur devait être austère, spartiate : L3S pour «lanceur de 3e substitution».

Finalement, après avoir failli aussi s’appeler Cygne, Lyre ou Phénix, il est baptisé du symbolique prénom Ariane. Ariane, princesse de la mythologie grecque, celle grâce à qui Thésée réussit, après avoir tué le terrible Minotaure, à s’extraire de l’inextricable Labyrinthe. Comme le fil donné par l’héroïne à son amoureux, la fusée doit montrer à l’Europe la route pour sortir de ses échecs spatiaux passés. Elle atteint son objectif.

Les années d’or

Ce n’est pas par hasard que le site de Kourou est choisi en 1979 par l’ESA, l’Agence spatiale européenne. Comme le rappelle chosesasavoir. com, il faut un endroit le plus proche possible de l’équateur. En décollant de cette région, «la fusée est propulsée à une vitesse plus importante au départ, utilise de ce fait moins de carburant une fois en vol et peut mettre en orbite des satellites plus volumineux».

Par ailleurs, l’équateur est le plan d’orbite privilégié des satellites. Enfin la région est peu peuplée : c’est précieux en cas d’accident.

Les lancements se succèdent, les générations du lanceur aussi. Ariane 1, 2, 3… Pendant une vingtaine d’années, les Européens font la nique à la NASA et à ses navettes spatiales. Sur le plan technique, celles-ci doivent faire face à de nombreux problèmes. D’un point de vue financier, les vols américains coûtent entre trois et dix fois plus chers. Au début des années 2000, l’Europe est sur un nuage. Plus pour longtemps.

À la traîne

En 2015, un événement sans précédent se produit. À la tête de SpaceX, le milliardaire américain Elon Musk présente une véritable révolution dans le domaine des lanceurs. Il est désormais en mesure de réutiliser le premier étage de ses Falcon. Pour le magazine Capital, le procédé est synonyme de substantielles économies : le premier étage d’une Falcon représente plus de la moitié de son coût. SpaceX diminue le prix de ses vols de manière significative et augmente leur rythme. Les Européens sont dans les cordes, ils perdent le fil.

Ariane 6, présentée comme «le couteau suisse de l’espace», devait effectuer son premier vol fin 2020. La crise et des problèmes techniques ont repoussé cette échéance au deuxième semestre 2021 puis au deuxième trimestre 2022. Le fait que treize pays (dont la Belgique avec, notamment la Sabca) et six cents entreprises participent à sa conception ne simplifie pas les choses.

Le nouveau lanceur, deux fois moins coûteux que son prédécesseur, devrait concurrencer les Américains et les Chinois et, selon l’ESA, «faire les beaux jours de l’aérospatial européen sur les quinze prochaines années au moins». À l’heure des lancements de méga constellations de satellites et du projet de fusée Starship de SpaceX, 100 % récupérable, Ariane a de quoi se faire quelques fils blancs dans sa belle chevelure.

Cet article est paru dans le Télépro du 9/9/2021

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