Eva Perón, icône aux pieds d’argile
Dimanche à 22h50 avec le documentaire «Eva Perón, icône et pasionaria», France 5 dresse le portrait d’une femme disparue il y a 70 ans, mais qui a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire et dans les cœurs.
Lorsque vous descendez l’avenue du Neuf-Juillet, à Buenos Aires, et que vous levez les yeux, vous tomberez sur les deux visages d’une femme qui ornent le sommet de l’immeuble du ministère du Développement social et de la Santé. Comme si Evita Duarte-Perón régnait encore sur la capitale argentine, 70 ans après sa mort survenue à 33 ans.
De l’ambition à revendre
Cette habile tacticienne, ambitieuse et opportuniste, icône de tout un peuple, a su marquer à jamais l’histoire de l’Argentine. Et ceci, grâce à une légende savamment entretenue par la littérature, le théâtre et le cinéma, dont le plus bel exemple reste le célèbre film d’Alan Parker, «Evita» (1996), avec Madonna, Antonio Banderas et Jonathan Pryce. Mais comment une jeune femme issue des quartiers pauvres d’une cité perdue au cœur de la pampa a-t-elle pu connaître un tel destin, alors que la vie l’avait programmée à être danseuse et comédienne ?
Certes, elle doit beaucoup à sa rencontre avec Juan Perón en 1944, alors qu’il n’est encore qu’un modeste secrétaire d’État venu assister à une pièce donnée au bénéfice des victimes d’un tremblement de terre. Mais sur les pas de son mari qui accède à la tête du pays en 1946, elle saura, grâce à une personnalité hors pair, s’imposer au sein d’une société particulièrement machiste. Au point de faire de l’ombre à Juan Perón, allant jusqu’à provoquer de graves tensions au sein du couple.
Un combat de femme pour les femmes
Eva, ou Evita comme les Argentins la prénomment familièrement, obtient le droit de vote des femmes et l’égalité juridique des conjoints, particulièrement en matière de droit matrimonial. Des conquêtes importantes sous l’égide du parti péroniste féminin dont elle assure la présidence. Elle crée une fondation qui porte son nom, destinée à secourir les plus démunis en leur offrant des hôpitaux, des écoles et des colonies de vacances pour les enfants, tout en poursuivant l’action en faveur de l’amélioration du statut des femmes. Elle assume le lien indispensable entre le péronisme et le monde ouvrier en faisant progresser les droits sociaux, une étape importante pour assurer à son mari la victoire aux élections présidentielles de 1951 (organisées pour la première fois au suffrage universel).
Nul doute que son exemple permettra plus tard à une femme d’accéder à la présidence du pays, en la personne de Cristina Fernández de Kirchner qui succède à son mari en 2007. Mais ce bel altruisme ne peut dissimuler la soif de gloire d’Evita qui se retranche derrière ses jolis traits et cette voix inégalable, rauque, aux accents passionnés, qui soulève les foules. Quel contraste aussi entre ce désintérêt habilement simulé pour les choses matérielles et le train de vie somptueux de la Première dame ! On n’oublie pas que le système qu’elle met en place n’a cure du pluralisme politique en flirtant dangereusement avec les égarements du populisme le plus primaire basé sur l’usage de la carotte et du bâton.
Les tribulations d’une dépouille
Eva Perón meurt le 26 juillet 1952 à l’âge de 33 ans, victime d’un fulgurant cancer du col de l’utérus. Son corps est embaumé et repose alors au siège du syndicat CGT. Mais le 22 novembre 1955, le cadavre est enlevé lors d’un coup d’État. Envoyé discrètement en Italie, il repose quelques années dans un endroit tenu si secret qu’on fait croire qu’il aurait pu être aussi bien en Allemagne ou en Belgique. La dépouille d’Eva rentre finalement au pays en 1974 et, deux ans plus tard, sera placée dans une chapelle du cimetière de Recoleta, le Père-Lachaise de Buenos Aires. On peut toujours se recueillir devant le cercueil apparent à travers les barreaux de la porte d’accès.
Cet article est paru dans le Télépro du 29/9/2022
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