Et si l’homme était né en Europe ?
L’Afrique, terre des gorilles et chimpanzés actuels, était jusqu’à présent considérée comme le berceau de l’humanité. Cette conception est remise en cause par certaines découvertes faites en Grèce, Bulgarie et Allemagne.
Ce samedi à 22h20 sur Arte, le documentaire «L’Europe, le berceau de l’humanité ?» en effectue un tour d’horizon. Trois questions à Marcel Otte, professeur émérite à l’Université de Liège.
Des découvertes de mandibules et de molaires de grands singes disparus remettent en question l’origine de l’humanité. Qu’en pensez-vous ?
Ce sont des découvertes fondamentales parce qu’elles montrent que la diversification des primates s’est produite beaucoup plus tôt que ce que nous pensions et a été plus répandue géographiquement, de la Chine à la Turquie. Il n’y a pas que l’Afrique qui a participé à cette hominisation, ce processus évolutif qui a transformé des primates en humains. L’Afrique présente bien une plus grande variété de primates et une plus grande variabilité de climats. Donc, il était plus logique que ce continent soit d’emblée concerné. Il a été aussi le plus exploité. Beaucoup de recherches y ont été effectuées par des équipes américaines et françaises. Il y a eu un phénomène de mode, particulièrement en Afrique de l’Est. Forcément, nous y avons trouvé plus de choses. Et les gisements y sont beaucoup mieux conservés que partout ailleurs.
Les avancées technologiques ont aidé à l’analyse plus pointue aussi des découvertes ?
Bien sûr ! Nous sommes plus performants aujourd’hui. Mais notre raisonnement importe et n’évolue pas aussi vite que les découvertes. Après la Seconde Guerre mondiale, les datations ont été mises au point grâce à la maîtrise du radiocarbone, de tous les éléments qui se désintègrent comme l’uranium-thorium. Auparavant, les chronologies étaient fondées sur l’évolution des espèces animales.
Quel est l’aspect de votre métier qui vous passionne toujours ?
L’évolution de la conscience et le développement de la pensée. Comment l’humanité s’est formée grâce à sa conscience. Nous en avons des traces dès qu’on se situe dans la bipédie à travers les gestes pour fabriquer des outils, un habitat… Ce qui m’a le plus impressionné, c’est l’art des grottes peintes. Quand vous pénétrez à Lascaux ou Chauvet, vieux de 30.000 ans, la beauté apparaît. Il y a un million d’années, il y avait déjà des outils très élégants, des sépultures… Nous sommes loin d’avoir tout découvert sur le terrain comme dans notre propre réflexion, notre manière d’interpréter. Ce qui me paraît le plus urgent, c’est de réfléchir autrement aujourd’hui à ce que nous connaissons déjà du passé.
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 6/2/2020
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