Dictateurs : d’encombrants cadavres

À Predappio, où Mussolini est enterré dans la crypte familiale, une boutique propose toujours des souvenirs fascisants à la gloire du Duce © Isopix
Alice Kriescher Journaliste

Ce vendredi à 22h50 sur La Une, un documentaire de José Bourgarel revient sur le thème des dictateurs à travers leur dépouille mortelle. Extrait de l’article que vous pouvez retrouver dans Télépro du 14 novembre.

Jeudi 24 octobre, après avoir passé quarante-quatre ans dans un mausolée au Valle de los Caidos, à une cinquantaine de kilomètres de Madrid, le corps du dictateur espagnol Francisco Franco a été exhumé pour être ré-inhumé dans un cimetière madrilène, aux côtés de son épouse. L’immense édifice dans lequel il était enterré provoquait la controverse en Espagne. Il faut dire que le monument, construit en 1959, était devenu un lieu de culte pour les nostalgiques de la dictature franquiste.

Aucun chef d’État espagnol n’avait eu le courage de s’attaquer à ce sujet sensible. L’actuel Président du gouvernement, le socialiste Pedro Sanchez, l’a eu. Célébration ou relégation, glorification ou occultation, vénération ou disparition : un dictateur ne meurt jamais comme tout le monde…

Lugubre tourisme

La postérité des dictateurs, qu’ils aient été fascistes, communistes ou nationalistes, donne toujours lieu à des événements extrêmes. L’une des morts les plus marquantes fut celle de Benito Mussolini, le dictateur fasciste qui dirigea l’Italie de 1922 à 1945. Fusillé en avril 1945, le «Duce» sera ensuite piétiné par la foule lors de la libération, puis pendu par les pieds, aux côtés des cadavres de sa maîtresse et de seize de ses fidèles, place Piazzale Loreto, à Milan.

Mais la catharsis populaire passée, que faire du corps ? Après le lynchage, les autorités italiennes parviennent à récupérer la dépouille du tyran. «Mais ce corps fait tellement peur que jusqu’en 1957 on va maintenir le secret sur l’endroit où l’on a enterré provisoirement Mussolini», explique l’historien Didier Musiedlak, dans le documentaire. «En 1957 on se décide à rendre ce qui reste de la dépouille à la famille de Mussolini.»

Des pèlerinages s’organisent alors pour honorer la mémoire de l’homme qui pactisa avec Hitler. Cette admiration malsaine perdure encore aujourd’hui. Chaque année, des milliers de chemises noires convergent vers sa sépulture, à Predappio, petite ville du nord de l’Italie qui l’a vu naître. Sur place, des commerçants ont vécu jusqu’il y a peu – un seul magasin est encore ouvert aujourd’hui – de ce tourisme fascisant, en proposant dans leurs boutiques «souvenirs» bustes, tee-shirts, calendriers ou encore livres négationnistes, le tout à la gloire du Duce.

Pour contrebalancer ce tourisme gênant, le maire de Predappio a décidé d’ouvrir un Musée du fascisme pour évoquer sans détours les crimes de Mussolini.

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