Destination toundra
Du Canada à la Russie, «la terre sans arbre», ses ours polaires et ses héros de légende feront voyager votre imagination. Dimanche à 23h40 sur La Une, le documentaire de Tanguy Dumortier «Toundra, dernier arrêt avant le pôle» nous convie dans cet univers glacé.
La neige, la glace, le vent et le silence. Là-bas, très loin, une silhouette se découpe sur l’horizon. Lentement, elle se déplace, ondoie, progresse : dans ce désert blanc, un objet aux contours imprécis glisse et se fraie un chemin. Doucement, presque imperceptiblement, une musique semble se mêler au souffle du blizzard.
Dans ce paysage triste et austère, un tintement joyeux est maintenant perceptible. C’est celui de grelots : un attelage approche. Auréolés d’un halo vaporeux, trois chevaux apparaissent. À bord de la troïka qu’ils tirent, deux personnages emmitouflés dans d’épaisses fourrures. Une femme blonde au visage de madone, un homme au regard sombre. Juste le temps de reconnaître le docteur Youri Jivago et Lara Antipova, son amour impossible, que déjà ils s’éloignent. Bientôt, ils ne sont plus qu’un petit point tout là-bas, au loin. «Clap ! Coupez ! On la garde.»
La terre stérile
Ce décor fabuleusement grandiose est sans aucun doute l’un des ingrédients qui a fait du «Docteur Jivago», tourné par David Lean en 1965, l’un des plus grands succès du cinéma. Pourtant… Retirez le romantisme de l’œuvre de Boris Pasternak, oubliez le magnétisme émanent du regard d’Omar Sharif et la beauté évanescente de Julie Christie : que reste-t-il ? Une région dont le nom signifie «terre stérile» ou «terre sans arbre». Tout un programme. C’est ainsi que l’ont baptisée les Samis, un peuple installé dans le nord de la Finlande, de la Norvège, de la Russie et de la Suède. Pas sûr que tous les ingrédients soient réunis en ce lieu pour donner envie d’y passer ses vacances.
Bif bof pour la villégiature
Le premier élément qui ne plaide pas nécessairement en sa faveur, ce sont les températures. Quand on se situe dans les régions arctiques et subarctiques et qu’on entoure le pôle Nord, il ne faut pas s’attendre à ce que la colonne de mercure du thermomètre s’envole vers le haut, mais quand même… : -34 °C en moyenne en hiver, entre 3 et 12 °C l’été à tout casser. Dans la rubrique «Il y en a un peu plus, je vous le mets quand-même ?», la Fédération canadienne du tourisme complète ce portrait peu avenant. «Vents violents et aucune lumière du soleil pendant une durée qui peut atteindre 163 jours par an dans les régions les plus nordiques». Ajoutez à cela que les précipitations sont très faibles («de 15 à 25 centimètres comprenant la neige fondue, ce qui est plus sec que la plupart des déserts») et cela vous convaincra peut-être définitivement de ne pas courir dans la première agence de voyage venue pour y réserver un minitrip. Quoique…
Bons baisers de chez eux
Les clichés des aurores boréales, ceux de paysages parfois lunaires, les montagnes et les plaines luxuriantes l’été et vertes de mousses, de lichens, d’arbres rampants… Tout cela pourrait peut-être vous faire changer d’avis. D’autant que la toundra a encore un atout de poids à abattre : sa faune. La rudesse du climat limite l’inventaire, mais «Parlons sciences» pointe quelques joyaux. Levez les yeux. De nombreux oiseaux migrateurs viennent s’y reproduire, «Comme le huard, l’oie des neiges et la sterne». En hiver, vous ne pourrez guère y observer que le harfang des neiges ou le grand corbeau. Regardez dans l’eau. Vous voyez ? Le grand brochet, la morue arctique, l’omble : ils serviront surtout à nourrir les grands mammifères. Ce sont eux qui vont peut-être vous convaincre. Regardez sur terre : le caribou, le loup, le renard arctique et l’ours polaire… Alors, votre imagination commence à prendre le large ? Attendez.
Courrier du tsar
Dans l’immensité blanche, une silhouette se dessine. Lentement elle se rapproche. C’est un homme à cheval qui avance au galop. Un militaire, un capitaine aux courriers du tsar : Michel Strogoff doit prévenir ce dernier du soulèvement des Tartares. Déjà le héros de Jules Vernes s’éloigne. Ne restent que la neige, la glace, le vent et le silence. Ne reste que la toundra.
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 9/7/2020
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