Des autoroutes numériques, 20.000 lieues sous les mers
Malgré le développement des satellites, 1,2 million de km de câbles sous-marins font passer 99 % des données numériques mondiales !
Ils s’appellent Arcos 1, Celtic, Falcon ou Lion 1. Vous ne les voyez pas, vous ne les entendez pas. Pourtant, ils sont nombreux à courir sous les mers et les océans pour nous rapprocher les uns des autres. «Ils», ce sont les câbles sous-marins. Depuis plus d’un siècle et demi, ils jouent un rôle capital dans nos communications.
Cocorico
Neuf jours. Au milieu du XIXe siècle, c’est la durée de la traversée de l’Atlantique par un paquebot. Dans le meilleur des cas… Une nouvelle en provenance du Vieux Continent met donc largement plus d’une semaine pour débarquer sur le Nouveau. Comment améliorer la communication ? Le quotidien économique français L’Écho nous rappelle ces propos tenus en 1863 dans La Revue des deux mondes : «Ce ne serait pas un des moins étonnants résultats du câble transatlantique que de voir une dépêche partir à 5 heures du soir de Londres et arriver à New York avant midi, le même jour», écrivait l’ingénieur Henri Blerzy. Quelques années plus tôt, la France avait crié victoire : le premier câble télégraphique sous-marin avait été posé sous la Manche entre le cap Gris-Nez et le cap Southerland, en Angleterre. Même s’il n’avait fonctionné que onze minutes, pourquoi ne pas rêver plus grand quelques années plus tard ? Mais traverser l’Atlantique, c’est une autre paire… de manches.
Questions pour des champions
À l’époque, les difficultés à surmonter sont légion. À commencer par la connaissance des fonds marins. Ils sont peu connus. Or, les câbles doivent être posés à plusieurs milliers de mètres de profondeur. Parlons-en des câbles. Quels matériaux utiliser pour les isoler ? Le caoutchouc ? C’est un échec. La gutta-percha, une gomme utilisée aujourd’hui dans le domaine dentaire ? Pas mieux. La bonne solution, c’est Jonathan Edwards Chatterton qui l’apporte avec le célèbre ruban qui porte son nom, «un ruban toilé enduit d’un mélange de goudron norvégien, de gomme gutta-percha et de résine». Les techniques de pose sont affinées, les investisseurs sont convaincus : y a plus qu’à !
Plus fort que la guerre
C’est chose faite le 5 août 1858. Grâce à un câble de 4.200 m de longueur posé entre 1.200 et 3.000 m de profondeur entre l’île de Valentia sur la côte d’Irlande et Trinity Bay, à Terre-Neuve, la reine Victoria d’Angleterre et le 15e président des États-Unis, James Buchanan, peuvent enfin échanger un message de 100 mots : «L’Europe et l’Amérique sont unies par la télégraphie, Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix et bonne volonté aux hommes sur Terre», envoient les Anglais. Réponse des Américains : «C’est un triomphe plus glorieux, parce que beaucoup plus utile à l’humanité, que ceux gagnés par des combattants sur le champ de bataille.» La bataille du câble est toutefois loin d’être gagnée : la ligne ne fonctionne que vingt jours. Il faut attendre 1866 pour que deux nouvelles lignes soient posées. Depuis, les choses n’ont cessé d’évoluer.
Connecté à l’avenir
L’une des avancées majeures : le remplacement des câbles en cuivre par la fibre optique. «Le premier câble optique transatlantique entre la France, l’Angleterre et les États-Unis date de 1988», rappelle le cabinet de conseil français IDNA. Selon Tactis, autre cabinet de conseil français en aménagement numérique, fin 2023, on comptait plus de 486 câbles en service (Arcos 1, Celtic, etc.), soit plus de 1,2 million de kilomètres de tuyaux, et une soixantaine d’autres en cours de projet ou de construction par lesquels transitent 99 % des données numériques mondiales. Un enjeu de taille dans les conflits (les sabotages peuvent menacer l’Internet mondial) mais aussi pour les géants du Net. Un exemple : quand il sera complètement opérationnel (théoriquement cette année), le câble 2Africa Pearls, long de 45.000 km (le plus long jamais déployé), devrait relier 33 pays sur trois continents (Europe, Afrique, Asie) et fournir une connectivité améliorée à plus de trois milliards de personnes. Une sacrée base de données. Et c’est un projet de Facebook…
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