Crapaud : cruelles croyances

Le crapaud se distingue par sa peau sèche et couverte de verrues, celle de la grenouille est humide et lisse © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Cet amphibien mal-aimé est au cœur des interrogations du célèbre naturaliste David Attenborough, dans «Curiosités animales» (mardi, Arte).

Dans le règne animal, comme dans notre société, ne pas répondre aux canons de beauté peut être source de souffrance. Le crapaud en sait quelque chose. Pourtant, au-delà des apparences, l’amphibien se révèle être un animal surprenant !

Précis de crapaud

À l’instar des chouettes et des hiboux, crapauds et grenouilles sont des noms dits vernaculaires. Soit des dénominations usuelles et non scientifiques. Ainsi, le terme francophone de «crapaud» englobe pas moins de 500 espèces différentes d’amphibiens, autrefois appelés batraciens. Évitez aussi de prendre le crapaud pour Monsieur Grenouille, ces deux-là sont bien différents. Là où la peau du crapaud est sèche et couverte de verrues, celle de la grenouille est humide et lisse. La grenouille peut se targuer d’avoir des guiboles longues et musclées, tandis que le crapaud est plus gras et court sur pattes. Enfin, les grenouilles sont clairement aquatiques tandis que le crapaud se meut plus volontiers sur la terre ferme.

Ancien martyr

Aujourd’hui, les principaux maux du crapaud se nomment pesticides et trafic routier. Mais il fut un temps où il devait surtout se méfier de l’homme. L’histoire avait pourtant bien commencé. À l’Antiquité, les Grecs l’associent à Hécate, déesse de la Lune, tandis que les Romains utilisent sa symbolique lors de rites funéraires destinés aux enfants. En Égypte, il est synonyme de résurrection. Rien de bien négatif donc. Durant le Moyen Âge, l’image du crapaud va se dégrader. Cette époque fait de lui le compagnon du diable, de la magie noire et des sorcières. En Wallonie, lorsqu’une épidémie ravage une étable, l’entièreté du village se met en quête du crapaud responsable de cette mauvaise fortune ! Le voilà désormais couramment martyrisé par les hommes. Il faut attendre la fin du XIXe siècle, et les jardiniers anglais, pour convaincre l’opinion de l’intérêt de l’animal dans la chasse aux nuisibles et pour que le supplice prenne fin, petit à petit.

Embrassez qui vous voudrez

Régulièrement, dans nos contes fantastiques, le destin du crapaud est de se transformer en prince à la suite d’un baiser humain. Une symbolique bien plus ancienne qu’on ne l’imagine. Dans «L’Épopée de Gilgamesh», texte écrit vers le XVIIIe siècle avant J.-C., Ishtar, une déesse, transforme un ancien amant en crapaud. D’autres auteurs reprendront cette idée, à l’image des Frères Grimm, dans «Le Roi-Grenouille» ou «Henri de Fer». Néanmoins, si d’aventure vous croisez un crapaud, évitez de vérifier la légende. «Les crapauds possèdent, à l’arrière de leur tête, des glandes sécrétant une substance venimeuse qui s’attaque au système nerveux de l’agresseur», détaille Futura Science. «Certaines espèces de crapauds peuvent ainsi être mortelles. Les crapauds communs ne provoquent toutefois, en général, sur l’Homme que quelques irritations.»

Bébés à croquer

Le crapaud buffle, ou Rhinella marina, a été sciemment introduit en Australie dès 1935 pour s’attaquer aux insectes qui détruisaient les plantations de canne à sucre. S’il a effectué un travail exemplaire, le sauveur est aujourd’hui devenu une menace, pour lui-même. La population de crapauds buffles s’est tellement développée que la nourriture est venue à manquer, poussant ce spécimen à manger ses propres têtards. Un cannibalisme qui fait du crapaud buffle le pire ennemi… du crapaud buffle !

Père dévoué

Le crapaud accoucheur, ou Alytes obstetricans, se nomme de la sorte en raison du comportement du mâle. «Ce dernier entortille les œufs produits par la femelle autour de ses pattes arrière pendant la ponte», relate le site de Natagora. «Il les gardera jusque l’éclosion, en les humidifiant régulièrement dans un plan d’eau.»

Crapauds sans tête

En 2018, une herpétologue américaine, à savoir une spécialiste des amphibiens et des reptiles, Jill Fleming, poste la vidéo d’un crapaud tout ce qu’il y a de plus vivant mais… sans tête ! Sous sa vidéo à peine croyable, la scientifique précise qu’il ne s’agit pas d’une mutation génétique et que le crapaud a pu se nourrir normalement sans voir sa croissance perturbée, avant la «perte». Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la malformation. Une blessure a pu être infligée par un prédateur durant la période de brumation (léthargie hivernale chez l’amphibien) et ce dernier n’aurait pas terminé le travail pour une raison ignorée. La tête du crapaud pourrait aussi avoir été dévorée par des larves de mouches mangeuses de chair. Quoi qu’il en soit, lors de sa découverte, les chances de survie à long terme du crapaud sans tête étaient quasi nulles.

Cet article est paru dans le Télépro du 11/08/2022.

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