Contraception  : bientôt une affaire d’hommes ?

«Et si l'émancipation féminine passait désormais par la contraception masculine ?», s’interroge Arte © Getty
Aurélie Bronckaers
Aurélie Bronckaers Journaliste

La contraception semble toujours une affaire de femme… Et elle le restera tant que les mentalités et les recherches scientifiques dans ce domaine stagneront. Ce mardi à 20h50 sur Arte, le documentaire «Liberté sans la pilule» rouvre le débat sur la pilule.

Le covid-19 a d’autres conséquences que celles que nous connaissons déjà. Les mesures de confinement imposées dans le monde pourraient mener à pas moins de 7 millions de grossesses non désirées dans les mois à venir (*) ! Car dans 114 pays à revenu faible et intermédiaire, 47 millions de femmes seraient dans l’impossibilité d’accéder à des méthodes de contraception modernes…

Une affaire de femme

Ce constat démontre une fois de plus que ce sont les femmes qui assument, majoritairement, la contraception, en supportent le coût, la charge mentale et les effets sur leur santé. Pilule, stérilet, anneau vaginal, patch, implant, diaphragme, injection… elles ont d’ailleurs, dans nos sociétés occidentales aisées, un large choix en la matière. Certaines décident cependant de dire stop et de laisser leur partenaire prendre le relais. Mais au-delà du préservatif ou de la vasectomie (stérilisation), il existe peu de solutions masculines…

Hormonale…

En 1972 déjà, les premiers essais de contraception hormonale pour les hommes sont concluants. Le traitement consiste en des injections hebdomadaires de testostérone qui diminuent la concentration de spermatozoïdes. L’homme ne produit alors plus que 3 millions de gamètes contre 10 à 60 millions en temps normal. Malgré les gros progrès réalisés depuis, peu de médecins préconisent la méthode. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) signale qu’elle est limitée à dix-huit mois et la recommande aux hommes entre 25 et 45 ans n’ayant aucun antécédent de maladies cardiovasculaire, hépatique, cancéreuse, psychiatrique… Quant aux effets secondaires les plus réguliers – acné, irritabilité, modification de la libido… – ils ne semblent pas si différents de ceux de la pilule…

… ou thermique…

La contraception thermique, elle, n’engendre aucun effet secondaire. Depuis l’Antiquité, l’effet néfaste d’une chaleur élevée sur la fertilité masculine – en fait sur la production de spermatozoïdes – est connu. Même s’il n’a été réellement étudié qu’à partir du XIXe siècle par la communauté scientifique. Faut-il s’étonner que ce soit une femme, le Dr Marthe Voegeli, qui ait été la première scientifique, dans les années 1930, à populariser cette méthode alternative de contraception pour les hommes ?

Slip «chauffant»

Le slip «chauffant», terme qui peut paraître risible, a été conçu il y a une trentaine d’années à Toulouse par le Dr Mieusset. Le principe en est simple et naturel : en plaquant les testicules contre son corps, l’homme y fait monter la température de 2 °C, freinant ainsi la production de spermatozoïdes. Moins mobiles et réduits à moins de 1 million par millilitre de sperme, ils sont alors trop peu nombreux pour féconder un ovule…

Maxime Labrit, infirmier et entrepreneur français, lui, a conçu l’Andro-switch, un anneau en silicone réutilisable et réversible agissant selon le même principe que le slip «chauffant».

Pas touche à ma virilité !

D’où vient un tel retard dans la contraception masculine ? Il faut y voir des raisons culturelles, symboliques (peur de perdre sa virilité…) et d’autres liées aux fonctions de genre que beaucoup d’hommes ont du mal à remettre en question. Or, d’un sondage mené par Solidaris en 2017 sur plus de 4.600 personnes en Wallonie et à Bruxelles, il ressort que 40 % des hommes interrogés seraient prêts à prendre la pilule si elle était commercialisée. Tout n’est donc pas perdu !

(*) Données publiées par le Fonds des Nations unies pour les populations (UNFPA), le 5 mai 2020

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