Civilisation swahilie : au temps honni des colonies

Des ruines d'une ville Swahilie à Gedi (Kenya) © Getty

C’est une de ces cultures mystérieuses et prospères que l’Histoire a égarées. Engloutie par les colonisations, elle revient au jour grâce au patient travail des archéologues. Ce vendredi à 17h40, Arte nous emmène à sa découverte dans «Enquêtes archéologiques».

La Côte Est de l’Afrique. S’y étendent aujourd’hui le Mozambique, la Tanzanie et le Kenya. Autrefois, du Xe au XVe siècle, pendant notre Moyen Âge, la civilisation swahilie avait créé ici un vrai carrefour entre l’Afrique, l’Arabie et l’Asie, un lieu d’échanges de produits merveilleux, au rythme des vents de la mousson.

Gens de la côte au sang mêlé

Que reste-t-il de ces cités grandioses ? Des vestiges : murs presque toujours vaillants, dômes de mosquée effondrés, esplanades et bassins évocateurs de marchés grouillant ou de plaisirs raffinés. Les constructions sont en pierre de corail, des moellons et parements de calcaires issus des récifs coralliens abondant le long des côtes.

Qui vivait là ? Des «Noirs», des «Maures», des anthropophages même, selon ce que disaient les autres peuples. Le nom actuel, les Swahilis, signifiant «gens de la côte», n’est apparu qu’au XIXe siècle pour qualifier une population de sangs mêlés, de religion musulmane et dont la langue empruntait aux dialectes locaux mais aussi à l’arabe ou même au persan.

Il n’en fallait pas plus pour voir dans ces villes somptueuses des comptoirs commerciaux bâtis par des colons arabes ou asiatiques, installés là-bas pour capter les richesses de l’arrière-pays. Une civilisation importée en quelque sorte, si riche que les indigènes – ces «sauvages !» -, auraient été incapables de la créer eux-mêmes…

Colonisation et spoliation

Ce qui est sûr, c’est que les Portugais arrivent aux alentours des années 1500. Ils ne sont qu’une poignée, mais ils ont des canons et ont tôt fait de soumettre les bourgs locaux. Une civilisation s’effondre, sans autre trace que l’ombre de ses richesses. Au fil du temps et des guerres, les Portugais sont remplacés par des Arabes, qui se livrent à la traite des esclaves. Puis viennent Anglais et Allemands. La végétation continue de submerger les vestiges.

Les archéologues s’en emparent à la fin du siècle passé, donnant de la civilisation swahilie une image bien différente. Non, elle n’était pas faite de simples comptoirs commerciaux. Et oui, il s’agissait bien d’un puissant ensemble de cités autonomes, plaque tournante de l’échange des richesses du pourtour de l’océan Indien. C’est ce que montre le volet des «Enquêtes archéologiques» (vendredi à 17h40 sur Arte). Peter Eeckhout, professeur à l’ULB, est parti à la rencontre des chercheurs qui s’activent dans cette partie de l’Afrique. Ceux-ci dévoilent le fruit de leur travail, encore loin d’être abouti.

Cités opulentes mises au jour

Les marchands allaient chercher dans ces majestueuses cités africaines des richesses abondantes, dont bien sûr l’or et l’ivoire. Puis ils les menaient en Arabie, en Perse, en Chine, d’où ils rapportaient soieries, perles et céramiques. Le transfert se faisait par des voiliers à faible tirant d’eau, des dhow (boutres). Ces navires, de toutes tailles et que l’on croise encore, pouvaient longer les côtes mais aussi affronter le grand large avec une capacité de charge substantielle.

Ils étaient portés par les vents de mousson, du sud vers le nord d’avril à août et du nord au sud de décembre à mars. Et dans l’attente de ces alizés portant les richesses, les marchands faisaient souche là où ils étaient, créant ainsi une civilisation extraordinairement métissée dont on ravive désormais les traits. Rappelant au passage que notre monde s’est construit sur le cimetière des anciens…

Edouard Renaud

Cet article est paru dans le Télépro du 29/7/2021

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