C’est quoi le bonheur ?
Hier un but, aujourd’hui un diktat, le bonheur n’aurait-il pas un petit goût aigre-doux ?
Dans la philosophie antique, c’est le but de la vie humaine. Les philosophes contemporains, quant à eux, sont nettement plus pessimistes sur sa possibilité. Pour la plupart des internautes, il se trouve dans la publication des photos du plat qu’on va avaler au resto, des selfies pris sur une plage, du chat qui ronronne ou du concert qu’il ne fallait pas louper. Avec, à la clé, le plus de «like» («j’aime») possibles et de commentaires positifs. Sinon, c’est l’horreur… Est-ce donc ça le bonheur ?
Influenceurs et développement
Les influenceurs Instagram s’interrogent eux aussi sur le sujet. Ils sont de plus en plus nombreux à dévoiler les coulisses de leur «bonheur». Derrière cette photo de cookies faits maison avec ses enfants, il y a un évier plein, de la pâte sur les murs et une maman fatiguée. De quoi nous faire déculpabiliser de ne pas avoir atteint ce moment parfait qui semble si simple pour les autres et de confirmer le fait que les réseaux sociaux restent une plateforme de communication.
Développement personnel…
Parmi les autres pistes à exploiter pour atteindre le nirvana, il y a celle du développement personnel, expression un peu fourre-tout regroupant psychologie et coaching à travers des livres, podcasts, émissions de télé… Inventé dans les années 1930 aux États-Unis, ce courant de pensée n’a cessé de grandir en popularité. C’est que la formule est séduisante : grâce à quelques procédures simples- sport, bonne nutrition, méditation… -, l’avenir devrait vous sourire sur le plan personnel comme professionnel. La promesse est alléchante, pas forcément magique.
Le hygge et le lagom
Depuis quelques années, un art de vivre inspiré de celui des pays scandinaves se base sur l’idéequele bonheur viendrait des petites choses. Au Danemark, deuxième place au World Hapiness Report(une enquête sur l’état du bonheur dans le monde, qui classe, depuis 2011, 156 pays selon le degré de satisfaction de leurs citoyens), on pratique le hygge, comprenez «bien-être». Le hygge est un état d’esprit positif procuré par un moment jugé réconfortant, agréable et convivial : un thé siroté sous un plaid, une tablée d’amis… Chez les voisins Suédois, le lagom, qu’on pourrait traduire par «ni trop, ni trop peu», implique un mode de vie dont le but est d’atteindre le bien-être et l’équilibre parfait. Vous y associez la connexion à la nature et un entourage affectif réconfortant et vous devriez imaginer la philosophie de vie.
Au pays du bonheur
Mais il n’y a pas qu’au nord qu’on met cap sur le bonheur. Au Bhoutan, petit pays coincé dans l’Himalaya et pétri de traditions, on en a fait un droit inscrit dans la constitution. Ici, depuis une quarantaine d’années, le PIB (produit intérieur brut)a été remplacé par le BNB (bonheur national brut). Le tourisme de masse y est fortement découragé. À l’école, les élèves entament leur journée par une minute de méditation avant d’apprendre les valeurs d’altruisme et de bienveillance. L’amélioration de la vie des citoyens et la préservation de la nature sont quelques-uns des fondements de la politique de ce petit pays confronté, en revanche, à un grand taux de chômage, à la pauvreté et à l’alcoolisme. La recette miracle n’est sans doute pas de ce monde…
Industrie florissante
Quoi qu’il en soit, l’industrie du développement personnel et du mieux-être est plus florissante que jamais. Au travail, sur les réseaux sociaux et dans nos vies intimes, le bonheur est devenu un impératif. C’est ce diktat que la journaliste Marie-Claude Élie-Morin dénonce dans une enquête sur la popularité grandissante de ce culte de la pensée positive et ses conséquences. Comment ne pas conclure cet article avec Lao-Tseu (570 av. J-C.-490 av. J.-C.) ? Ce sage chinois, considéré comme le fondateur du taoïsme, énonçait : «Il n’y a point de chemin vers le bonheur. Le bonheur, c’est le chemin.»
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