C’est du propre : l’histoire de l’hygiène

Image extraite du documentaire diffusé ce samedi sur Arte © Arte/ZDF/Gruppe 5
Stéphanie Breuer Journaliste

Comment nos ancêtres prenaient-ils soin de leur corps ? Petite histoire de l’hygiène à travers les siècles.

Issue d’Hygie, déesse grecque de la santé, l’hygiène désigne l’art de préserver la santé. Cette notion aussi ancienne que la civilisation n’a cessé d’évoluer au fil des époques.

Ce samedi à 22h20 dans «L’Hygiène à travers les âges», Arte dresse un panorama historique de cet art de la prévention qui a sauvé d’innombrables vies et continue de le faire. L’Antiquité a la réputation, à juste titre, d’avoir été une période «propre». En Grèce, d’où viennent le mot et la notion d’hygiène, les huiles et onguents parfumés font partie du quotidien des hommes libres, tout comme les bains et les massages. Inspirés par les Grecs, les Romains attachent une grande importance à cet art. Ils bâtissent des thermes ouverts à tous, où se déroule un rituel immuable du quotidien : les ablutions. Captée dans les montagnes et acheminée par des aqueducs, l’eau est chauffée par l’hypocauste. L’énorme consommation d’eau des Romains témoigne de leur intérêt pour l’hygiène corporelle. Pour évacuer les eaux usées, les Romains construisent un réseau d’égouts, dont le plus grand, «cloaca maxima», date de -600.

Peu d’intimité

Pour se soulager, des latrines publiques sont alimentées par l’eau non potable. L’intimité est étrangère à ce lieu d’aisance, plutôt caractérisé par sa dimension sociale : c’est l’occasion d’échanger les dernières nouvelles ou de conclure des affaires. Et si Varron (-I er siècle) a déjà l’intuition de l’existence de bactéries et de virus, les règles d’hygiène n’en font cas. En effet, pour s’essuyer, le Romain utilise une éponge fixée sur un bâton («tersorium»), que l’on passe, après usage, à la personne suivante ! Au Moyen Âge, les monastères continuent d’appliquer les règles d’hygiène héritées de l’Antiquité, mais la saleté règne dans les villes. Les latrines, installées à l’extérieur des maisons, font aussi office de vide-ordures. Ce n’est que vers la fin du Moyen Âge qu’elles intègrent les châteaux et les maisons bourgeoises, même si les excréments tombent toujours dans des fosses à ciel ouvert ! Pourtant, l’hygiène corporelle a toute sa place dans la société médiévale. Se laver les mains fait partie des règles élémentaires de courtoisie et suivre les conseils d’hygiène est l’assurance de faire un beau mariage. On s’épile les sourcils, on se brosse les dents avec un sachet de lin rempli d’une poudre de marbre et de bois de cerf brûlé, on se parfume l’haleine à l’aide de bains de bouche et on se peigne les cheveux tous les jours.

Phobie de l’eau

Mais, au fil des siècles, les grandes épidémies médiévales (peste, syphilis…) modifient le rapport de l’homme au corps et à l’eau. Les bains publics et étuves, très appréciés, sont peu à peu délaissés car se laver à l’eau est jugé dangereux. Sous Louis XIV, l’eau est omniprésente, mais avant tout pour alimenter les nombreux bassins et fontaines de Versailles ! Paradoxe de l’époque : l’apparence est soignée, mais la propreté est négligée. On mise sur l’hygiène du linge plutôt que celle du corps. La peau est couverte de poudre masquant les odeurs corporelles, les cheveux sont cachés sous une perruque et la chemise est changée plusieurs fois par jour. À la Cour, les latrines, peu nombreuses, sont installées dans des alcôves ou derrière des paravents. Sous Louis XV, des chaises dites à l’anglaise, avec évacuation par chasse d’eau, font leur apparition. Enfin, le siècle des Lumières met fin à la phobie de l’eau et aux superstitions. L’eau redevient l’élément clé de l’hygiène corporelle. L’État saisit l’importance de la santé individuelle et collective pour une société performante. Inspirées par le Paris du baron Haussmann et encouragées par le choléra à améliorer la salubrité publique, les villes d’Europe se dotent, au cours du XIX e siècle, de réseaux hydrauliques performants. Désormais, l’hygiène, qui s’est imposée dans le quotidien de tous, est devenue, plus que jamais en cette période de crise sanitaire, une préoccupation politique.

Cet article est paru dans le Télépro du 17/2/2022

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