Ces détectives du ciel font la lumière sur les boîtes noires

Image extraite du «Tout s'explique diffusé ce jeudi sur RTL-TVI © RTL Belgium
Stéphanie Breuer Journaliste

Ce jeudi à 19h50 sur RTL-TVI dans «Tout s’explique», Maria Del Rio s’intéresse à ces hommes de l’ombre – les enquêteurs du ciel – qui investiguent lorsque survient un pépin ou un crash au cours d’un vol touristique ou militaire.

Boîte noire et intelligence artificielle

Le travail de ces techniciens a inspiré deux films : «Conversations secrètes» (1974, Palme d’Or à Cannes) de Francis Ford Coppola, et le récent et excellent «Boîte noire» de Yann Gozlan (2021) avec Pierre Niney en acousticien (chargé d’écouter scrupuleusement chaque seconde d’un crash) du Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA).

Le réalisateur explique : «La boîte noire tient une place à part dans l’inconscient collectif car elle détient la clé pouvant expliquer ce qui a conduit à la tragédie. Mon ambition avec ce film était surtout d’évoquer les nouvelles problématiques qui sont sur le point de bouleverser l’aviation civile : l’assistance généralisée au pilotage avec l’automatisation progressive des cockpits, dirigée par l’intelligence artificielle».

Ce qui est un gros risque si des hackers parviennent à pirater ce système informatique et à faire d’un Boeing un jouet à leur merci…

Boîte «noire»… orange !

Les premiers enregistreurs de vol datent des années 1930. Ils contenaient une pellicule photographique sur laquelle les indications des instruments de vol étaient projetées. Cette pellicule se trouvait dans une chambre noire, appelée «boîte noire», car étanche à la lumière.

Ce nom est resté même si les enregistreurs de vol actuels sont oranges avec des bandes blanches réfléchissantes, pour faciliter leur repérage parmi les débris… Placés à l’arrière de l’avion, partie généralement la mieux conservée lors d’un impact avec le sol, il y en a deux : le Flight Data Recorder qui comptabilise les paramètres techniques du vol et le Cockpit Voice Recorder qui enregistre les bruits et échanges des pilotes.

Certification bidon

Suite aux crashes de deux avions (le vol Lion Air 610 en 2018 et celui du vol 302 d’Ethiopian Airlines en 2019), survenus tous deux peu après le décollage, l’usage du modèle de Boeing 737 Max a été suspendu jusqu’à fin 2021. Selon France 24, la justice américaine accuse le pilote d’essai de Boeing, Mark Forkner, d’avoir caché des éléments à l’agence américaine supervisant l’aviation (la Federal Aviation Administration ou FAA), lors de la certification du 737 Max.

En découvrant, en 2016, un changement important sur un logiciel censé éviter les décrochages, il n’en a pas informé la FAA pour faire faire des économies à Boeing ! Il risque la prison. Quant à Boeing, il a reconnu sa responsabilité dans la manipulation des autorités et a versé plus de 2,5 milliards $ pour certaines poursuites. 

Enquêtes minutieuses

Enquêter sur un crash ne se limite pas à la boîte noire. Loin de là. Les investigations prennent des mois de travail minutieux et sont définies par les normes d’un accord international : Annexe 13. Le gouvernement du pays où s’est produit l’accident prend la tête de l’enquête, avec des enquêteurs des pays où l’avion est immatriculé, où se trouve le siège de la compagnie aérienne, où est basé le concepteur de l’avion et où l’avion a été assemblé.

Les enquêteurs prennent des photos et vidéos de l’épave, mènent des entretiens avec des témoins oculaires, recueillent tous les documents liés à l’avion, à l’équipage et aux vols récents pour analyse médico-légale, dessinent des cartes du champ de débris et de la façon dont l’avion a heurté le sol. Les débris récupérés sont placés dans un hangar afin de déterminer les composants manquants ou endommagés pour avoir une idée plus complète de ce qui s’est passé et pouvoir reconstituer ou créer des simulations vidéo des derniers instants du vol.  

Des pilotes en manque d’air !

Ex-capitaine de compagnie aérienne et cinéaste, Tristan Loraine a enquêté sur le crash du Miami-Bogota en 1995 dans son récent documentaire «American 965» (2021). «En approche directe, les pilotes n’étaient plus capables de faire des calculs simples, comme le nombre de kilomètres pour atterrir. Un signe de déficience cognitive attribué à une mauvaise aération dans l’avion. Il est incroyable que des avions volent sans système d’alerte quant à l’air non filtré et contaminé par les huiles de moteur et les fluides hydrauliques que respirent équipages et passagers ! J’ai moi-même souffert de ces effets avec engourdissements aux doigts, six infections pulmonaires par an, cloques chimiques sur le nez et fatigue m’empêchant de réfléchir. Le film montre que l’industrie aérospatiale n’est pas honnête avec les passagers et continue de les exposer à un risque inutile alors que ce problème pourrait être facilement résolu.» 

Cet article est paru dans le Télépro du 17/3/2022

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