Carnac : des pierres dressées, les mystères restent entiers !

Les pierres qui composent les alignements du site de Ménec se comptent par centaines pesant chacune plusieurs tonnes  © France 5/Eclectic Production
Giuseppa Cosentino Journaliste

Ce jeudi à 21h avec le documentaire «Carnac – Sur les traces du royaume disparu», France 5 met le cap sur le Morbihan, pour tenter de découvrir les origines de cette mystérieuse cité de pierres, bâtie il y a 7.000 ans…

Quel peuple fut capable d’ériger les lourds menhirs préhistoriques de Carnac ? Et que signifient leurs troublants alignements ? Hélas, ils ne sont pas l’œuvre d’Obélix, ni de nul autre Gaulois digne de ce nom, puisque ces rochers ont été dressés près de 5.000 ans auparavant, à l’époque du Néolithique…

Depuis des siècles, les archéologues en perdent les poils de leurs pinceaux, tant la question essentielle demeure : à quoi servaient ces pierres ?

Pierres tombales

Les chercheurs ont longtemps pensé qu’il s’agissait de monuments funéraires. «Carnac» signifie «amas de pierres sur une tombe» ou «amas de pierres évoquant la mort», «carn» ayant conservé ce sens en irlandais. Les menhirs proviendraient de carrières de pierres où ils étaient taillés en énormes blocs, parfois lourds de 350 tonnes.

Pour les transporter ? «Les peuples sédentaires de l’époque connaissaient la technique du rondins de bois et des cordages», précise le site de l’Office du tourisme de Carnac. Un travail colossal quand on compte les quelque 3.000 menhirs qui s’étendent sur plus de 4 km !

Astronomie et superstitions

Mais Carnac a une autre particularité… Les stèles sont alignées et organisées en différents groupements, dont les principaux sont Ménec, Kermario et Kerlescan. La raison ? Probablement pour étudier la position des astres ; les pierres constitueraient une sorte de calendrier primitif pour l’agriculture. D’autres y voient un culte solaire pratiqué à l’aide de rites. Lesquels ? L’Histoire ne le dit pas…

Plus tard, les druides se sont réapproprié les mégalithes pour y honorer les dieux avec des sacrifices. Toutes sortes de pouvoirs furent attribués aux roches. Au VIe siècle, on raconte que des jeunes femmes bretonnes s’adonnaient à des rituels de fertilité en dansant autour des pierres. Des théories ésotériques qui rencontrent un franc succès aux XVIIIe et XIXe siècles. Un ordre druidique a même été créé en 1781… avant d’être censuré par l’Église.

Secret de marbre

Classé au titre des Monuments historiques depuis 1889, le site mégalithique conserve ses mystères. Seule certitude ? Sa période de construction, entre 5.000 et 2.000 ans, qui devrait anéantir les interprétations farfelues et anachroniques ayant traversé les siècles.

«Jamais on ne vit, à cette époque-là, autant d’ouvrages de pierres dressées, que le regard les perd à vouloir les suivre sur l’horizon», s’extasie l’archéologue Serge Cassen. Carnac – comme Stonehenge, au Royaume-Uni – laisse un fascinant héritage dont les anciens bâtisseurs emportèrent le secret dans leurs tombes…

Légendes

La formation des pierres de Carnac en a inspiré plusieurs. La plus connue est celle de Saint Cornély, pape au IIIe siècle. Poursuivi par l’armée romaine, il se retrouve coincé face à la mer. Pour se sauver, il transforme les Romains en pierres, d’où les alignements. Les jours de tempêtes, leurs âmes reviennent y rôder…

Un autre mythe raconte que des lutins farceurs, les «Kérions» ou «Korrigans», ont élu domicile dans les menhirs. Ils les auraient remués pour les aligner. Certains Bretons croient aussi aux «Cornandons», des nains hideux qui, par clair de lune, sortent de leurs tanières pour former une ronde infernale autour des rochers. Leurs voix criardes se font entendre dans le silence de la nuit.

Terre d’écrivains

Dès le XIXe siècle, des écrivains de la période romantique se ressourcent auprès des pierres. Victor Hugo y voit «une ville d’obélisques, de colonnes et de pyramides, un palais bâti par des fées».

«Rien de tout cela !», s’insurge Flaubert, visitant le site en 1845 avec son ami Maxime Du Camp. Et de conclure, placide : «Les pierres de Carnac sont… de grosses pierres ! Je ne demanderais pas mieux, comme un autre, de les avoir contemplées lorsqu’elles étaient moins noires et que les lichens n’avaient pas encore poussé.»

Cet article est paru dans le Télépro du 31/3/2022

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