Canard de Vaucanson, étrange automate

De ses trois automates exposés à Paris, c'est la canard qui a connu le plus de succès © Isopix
Stéphanie Breuer Journaliste

Aujourd’hui disparu, le canard de Vaucanson, simulant la digestion et la défécation, était la coqueluche du XVIIIe siècle.

Si le mot «robot» apparaît en 1920 sous la plume de l’auteur de science-fiction tchécoslovaque Karel Èapek, les ancêtres de ces bijoux technologiques sont bien plus anciens. Dès le IVe siècle avant notre ère, des automates humanoïdes ou animaliers prennent vie, sortis d’esprits grecs ingénieux. Et deux siècles après le lion mécanique de Léonard de Vinci, un ingénieur français crée le plus fameux des automates : le canard de Vaucanson, sujet du magazine «Faire l’histoire» (samedi 18.15, Arte).

Innovations techniques

Le siècle des Lumières est une période marquée par la soif d’innovations et de progrès techniques. Nombreux sont les savants à fournir de considérables efforts pour tenter d’insuffler la vie à des machines. C’est dans ce contexte qu’évolue un certain Jacques Vaucanson.

Né en 1709 à Grenoble dans une famille de gantiers, ce futur ingénieur montre très tôt des prédispositions pour la mécanique et l’anatomie. Au début des années 1730, il se lance dans la conception d’automates. Mais sa renommée explose en 1738 lorsqu’il présente, à Paris, trois de ses créations : un joueur de flûte, un joueur de timbales et son fameux canard. «Il était de grosseur naturelle et imitait si parfaitement l’animal vivant que tous les spectateurs subissaient l’illusion», écrit Edgar Allan Poe dans «Le Joueur d’échecs de Maelzel».

«Nouveau Prométhée»

Le Grenoblois lance une première tournée pour faire connaître ses automates dans le royaume et au-delà. Très vite, son canard remporte tous les suffrages. Voltaire lui-même l’évoque et qualifie son concepteur de «nouveau Prométhée» (Titan chargé par Zeus de donner un souffle de vie à chaque être sur Terre). «Ce canard n’est pas le premier automate animalier à se mouvoir avec autant de dextérité qu’un animal vivant», explique l’historienne Mélanie Traversier dans le magazine d’Arte. «Mais la prouesse exceptionnelle – et c’est cela qui va fasciner, émerveiller et séduire les savants et tous les curieux de cette époque – est que ce canard automate est un canard… digérateur !»

De taille modeste, le dispositif était doté d’un simple mécanisme à clé, dont les rouages internes activaient son cou et son bec. Le canard était en mesure de picorer les graines placées devant lui et – fait unique en son genre – de les ingérer et les digérer. De l’autre côté de son corps, les spectateurs assistaient, stupéfaits, à la fin de la digestion lorsque l’animal expulsait des excréments. En réalité, ce système relevait de l’illusion : le canard ne faisait que broyer des graines, tandis que les excréments avaient été savamment placés avant l’activation du mécanisme. Peu importe, l’émerveillement était à son comble !

Incendié ou perdu ?

Au XIXe siècle, l’automate de Vaucanson continue à attirer les foules et à marquer les mémoires. Après plusieurs réparations, l’animal de cuivre connaît une renommée internationale grâce à ses tournées en Europe et outre-Atlantique. La trace de cet objet unique se perd dans les années 1840, lorsque l’inventeur suisse Johann Bartholomé Rechsteiner en crée une copie.

À la fin du XIXe siècle, l’un des deux automates est détruit lors de l’incendie d’un musée en Russie. Nul ne sait s’il s’agit de l’original ou de la copie. Mais l’histoire rebondit des décennies plus tard lorsque, au milieu du XXe siècle, surgissent, des archives des Arts et Métiers, des photographies d’un canard automate, datant de 1899. Est-ce l’original ? Le mystère reste entier et on ne peut aujourd’hui qu’imaginer comment fonctionnait cet étrange oiseau aquatique… 

Cet article est paru dans le Télépro du 19/5/2022

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