Bingo pour les jeux vidéo
Consoles, jeux on-line, e-sport : le secteur est en pleine croissance. Chez nous, le tax shelter s’invite dans la partie. Ce jeudi à 21h, France 4 diffuse le documentaire «Play».
«Minou, prépare un peu un croque !» René, le patron du café, vient de lancer la commande à sa femme, distraitement. Ce qui retient son attention, ce sont les deux hommes en salopette bleue qui poussent le diable sur lequel est juché un étrange objet. «Le nouveau jeu qui va faire fureur», a promis le représentant à René. S’il le dit… Alors René lui a préparé une place de choix, entre le Flipper Captain Fantastic et le Bingo Miss America.
Sur l’écran noir de ce qui ressemble à un poste de télé apparaissent deux petites barres blanches qu’un joystick (encore un terme bizarre) permet d’actionner de haut en bas. Elles se renvoient une petite balle… Ça fait «ping», ça fait «pong» : «Pas de doute, c’est du ping-pong !», conclut René d’un air dubitatif, se demandant comment cette machine va faire rentrer de l’argent.
Dans quelques jours, sa clientèle, principalement constituée d’étudiants, aura vite fait de lever ses inquiétudes. Depuis cette tranche de vie (réelle) des années 1970, René a largement eu le temps de digérer le croque de Minou et les jeux vidéo celui de faire solidement leur trou dans le quotidien de millions de personnes.
Super carton
Le demi-siècle qui nous sépare de «Pong», premier gros succès commercial de l’histoire des jeux vidéo, est jalonné de marches gravies 4 à 4 par Mario Bros. et ses compagnons. Le début des années 1980 est marqué par l’arrivée des écrans couleur, des consoles Ness (de Nintendo) et SEGA, mais aussi de Pac Man, Donkey Kong, Sonic ou du célébrissime plombier moustachu. L’apparition de la 3D et de la PlayStation de Sony (en 1994), c’est pour les années 1990.
Quant à la Xbox de Microsoft, elle débarque dans les foyers en 2001. Comme le signale sur son site le coach et expert en jeux vidéo Johan Brako, tout cela va de pair avec le nombre de foyers équipés d’ordinateurs : ils étaient 100.000 en 1989, ils sont 368 millions dix ans plus tard. La démocratisation d’Internet sera un autre facteur favorisant l’explosion du phénomène. La Game Boy et les «LAN parties» (en réseau local) sont désormais supplantées par la Toile et ses multiples possibilités de jouer en ligne. Puis grâce aux tablettes et aux smartphones, «l’univers du jeu vidéo s’ouvre au monde. Les seules cibles des studios ne sont plus les amoureux de technologies ou les enfants. Ils visent quiconque ne supporte pas de s’ennuyer.»
Chiffres records
Accrochez-vous pour quelques statistiques impressionnantes. Jeu vidéo le plus joué (classement établi en septembre et ne tenant pas compte des jeux mobiles) ? Minecraft (un jeu de construction visant à créer son propre monde), 238 millions d’exemplaires vendus depuis son lancement en 2011, 140 millions d’utilisateurs actifs mensuels. Jeu le plus vendu en 2022 (selon le cabinet d’études de marché NPD Group) ? «Elden Ring» : 13,4 millions d’unités au cours du premier mois de vente du jeu, 40.000 joueurs simultanés tout au long de la journée… Chiffre d’affaires mondial de l’industrie du jeu vidéo : 152 milliards de dollars en 2019, 180,3 milliards l’an passé (une progression principalement due à la crise sanitaire). Il devrait dépasser le cap des 200 milliards en 2023. Le développement de l’e-sport (comme FIFA 22 par exemple) participe à cette véritable explosion : il a généré plus de 800 millions de revenus en 2019.
En Belgique aussi
Dans notre pays, le revenu annuel est estimé à 270 millions d’euros. Le nombre de studios de développement de jeux est passé de 65 à 114 (dont 19 en Wallonie et 13 à Bruxelles) entre 2014 et 2020. En juin dernier, le parlement fédéral a approuvé un projet de loi qui étend le régime fiscal du tax shelter à l’industrie du jeu vidéo. Un sacré booster pour le secteur, l’équivalent d’un super champi pour Mario !
Cet article est paru dans le Télépro du 27/10/2022
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