Bertolt Brecht : l’Allemand errant

Image extraite du documentaire «Bertolt Brecht - Dialogues d’exilés» © Arte/Hedwig Schmutte

Exilé, sans papier, apatride… Le dramaturge bavarois (1898-1956) a puisé toute sa révolte dans son vécu.

«J’ai toujours trouvé faux le nom qu’on nous donnait : émigrants. Nous ne sommes pas partis de notre plein gré pour librement choisir notre terre…» Ces mots pourraient être prononcés aujourd’hui par un réfugié ukrainien, guinéen ou syrien. Ils ont été écrits voici plus de quatre-vingts ans par un dramaturge allemand : Bertolt Brecht. L’histoire retient de lui qu’il fut le précurseur du théâtre moderne. Mais l’histoire de sa vie fut d’abord celle d’un perpétuel émigré. À découvrir mercredi à 22h30 sur Arte, dans «Bertolt Brecht – Dialogues d’exilés».

Quat’sous de polémique

Bertolt Brecht a 16 ans en 1914, quand éclate la Première Guerre mondiale. Le jeune homme a grandi dans une famille bourgeoise et s’est déjà découvert des talents d’écrivain. Mobilisé à 20 ans, il est confronté aux horreurs de la guerre. Ses textes s’en imprègnent immédiatement. Ils seront désormais pacifistes, anarchistes et teintés de marxisme. Le théâtre de l’époque est conçu pour faire oublier les soucis du quotidien. À l’inverse, les pièces de Brecht invitent à se poser des questions sur l’état du monde. C’est polémique, mais ça marche. Brecht connait un immense succès populaire avec «L’Opéra de quat’sous». Cette comédie musicale est montée à Berlin en 1928, à Paris en 1930, à Broadway en 1933.

Une vie d’errance

En cette même année 1933, Hitler accède au pouvoir. Très vite, il lance une «action contre l’esprit non allemand». Il vise les écrivains juifs, pacifistes ou marxistes. Brecht est les trois à la fois. Ses livres sont brûlés sur des bûchers publics, et il sera bientôt déchu de sa nationalité. Dès février 1933, l’auteur prend la route de l’exil avec sa femme et leurs deux jeunes enfants. Commence une errance de plusieurs mois à travers l’Europe. En juin 1933, Brecht s’installe au Danemark, à une centaine de kilomètres de la frontière allemande. Il espère rentrer rapidement chez lui. Mais le fascisme ne cesse de prendre de l’ampleur. En 1939, la famille ne se sent plus en sécurité en terre danoise. Elle demande asile à la Suède mais n’obtient qu’un permis de séjour provisoire. Les Brecht poursuivent alors leur route jusqu’en Finlande, où ils luttent tant bien que mal contre la faim et le froid. Puis ils entreprennent de traverser toute l’URSS d’ouest en est, jusqu’à Vladivostok, pour traverser le Pacifique et rejoindre les États-Unis.

L’autre Allemagne

Malgré une collaboration avec Fritz Lang à Hollywood, Bertolt Brecht ne se sent pas chez lui aux States. D’autant que son passé marxiste le rend suspect au temps du maccarthysme. En 1947, il est interrogé pour «activités anti-américaines» et échappe de peu à la prison. Il décide de rentrer en Allemagne désormais divisée en deux. Les Alliés lui refusant un visa pour sa RFA natale, il s’installe en RDA. Les autorités communistes l’accueillent à bras ouverts, mais il ne partage pas leur idéal stalinien… Brecht restera un exilé toute sa vie.

Cet article est paru dans le Télépro du 20/10/2022

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