Berlin, dos au Mur

Le Mur tel qu'il apparaissait à ses débuts, en 1963 © Isopix

Ce jeudi à 20h55, Arte nous donne rendez-vous à «Berlin 63». Le début de cette série, suite de «Berlin 56» et «59», offre l’occasion de se replonger dans cette période trouble.

Imaginez l’avenue de Tervuren à Bruxelles et, dans sa perspective, les arcades du Cinquantenaire. C’est magnifique. Le serait-ce autant si un mur épais haut de plusieurs mètres vous en barrait partiellement la vue ? Pire encore, si cette barrière de fer et de béton vous séparait de votre mère, de votre fils, de vos amis ? C’est ce qui est arrivé pourtant, à Berlin, en 1961, quand la ville fut coupée en deux.

Deux sociétés

À peine remise des stigmates de la guerre, la capitale du Troisième Reich (1933-1945) est à nouveau défigurée, écartelée entre deux mondes. À l’est, sous l’emprise soviétique, un régime communiste fantoche dirigé de main de fer par Walter Ulbricht avec sa police secrète, la Stasi. À l’ouest, un quotidien où il est fait étalage de tous les bienfaits de l’économie de marché et de son corollaire, le capitalisme. Entre les deux, un mur, qu’on érige pour endiguer le flot d’émigration croissant vers l’Ouest… Car depuis la partition de l’Allemagne, voulue par les Alliés et les Soviétiques après la Seconde Guerre, l’Occident est devenu le Saint Graal. La République fédérale d’Allemagne (RFA) a Bonn pour capitale, tandis qu’à l’Est, la si ironiquement dénommée République démocratique allemande (RDA), opte pour Pankow, un quartier de Berlin. La ville, enclavée en RDA, est, elle aussi, coupée en deux.

Infranchissable !

Le Mur ! Toute la vie s’y fracasse, le métro ne le franchit pas, ni même les égouts, scellés pour éviter toute tentative d’évasion. Certains intrépides tentent de le traverser, mais ils sont peu à échapper aux balles des gardes-frontières, les Vopos. Un des rares passages entre les deux secteurs est Checkpoint Charlie, mais encore faut-il être muni du précieux laissez-passer. Ainsi va la vie à l’est, lugubre comme les façades de ses bâtiments, face à celle, apparemment joyeuse et colorée de l’ouest, sous un maire charismatique, Willy Brandt, un social-démocrate qui deviendra chancelier. Oui, un vécu qui semble facile, mais ponctué par ces estrades de bois qui dominent le mur pour pouvoir saluer au loin un proche, sans pouvoir le toucher, le serrer dans ses bras. Prison dorée pour les Occidentaux. Geôle sans issue pour les autres, dont le moindre mouvement est dicté par les sacro-saints principes du marxisme-léninisme. L’ex-chancelière Angela Merkel en est notamment le produit.

Kennedy, ce Berlinois

Nul doute que la visite, en 1963, du président Kennedy, qui prononce un discours fort sur une scène dressée devant le Mur, dope l’espoir des Berlinois d’un jour être réunis. «Ich bin ein Berliner». Cette phrase, lancée en allemand par l’homme le plus puissant des États-Unis, galvanise la foule et entre dans l’histoire. Mais cette société quelque peu débridée et outrancière connaît ses premiers revers en 1968, lors de violentes manifestations estudiantines. Elle va aussi engendrer le terrorisme le plus abject symbolisé dans les années suivantes par la bande à Baader (la Fraction armée rouge).

Une lueur d’espoir

Alors qu’on pensait la carte de l’Allemagne figée à tout jamais, l’arrivée de Gorbatchev à la tête de l’Union soviétique – et son refus d’aider son allié est-allemand à contenir les velléités de liberté de son peuple – provoque la chute du mur dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989. De ces années, il ne reste que quelques pans de l’édifice comme témoins de l’absurdité de l’histoire, ainsi que deux villes, certes réunifiées en capitale d’un seul État, mais aux contours encore si différents aujourd’hui. 

Cet article est paru dans le Télépro du 30/6/2022

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