Belle plante… mais pas que !
Au plus près des dernières découvertes scientifiques, le documentaire «Le Génie caché des plantes» porte un regard nouveau sur les superpouvoirs du monde végétal. À voir ce samedi à 22h25 sur Arte.
À l’inverse des animaux, à qui il ne manque souvent que la parole, aux plantes, il manque à peu près tout pour se rapprocher de notre morphologie humaine. Et pourtant, nous avons bel et bien des points communs. Intelligence, ouïe, odorat… Découvrons ce qui nous rapproche !
Intelligence sensorielle
«Les plantes qui n’ont pas de mains, et pas d’oreilles, elles sentent les vibrations, elles sont plus «aware» que les autres «species ! »» Vous aurez sans doute reconnu la patte de notre «philosophe» national, Jean-Claude Van Damme. Aussi risibles soient certaines de ses déclarations, dans ce cas précis, il n’a pas tout à fait tort. Certes, les plantes ne possèdent pas de cerveau, cela implique-t-il forcément qu’elles soient dépourvues de toute forme d’intelligence ? Non, au contraire. «Les plantes sont capables de percevoir l’environnement avec beaucoup de subtilité, elles sont bien plus sensibles que les animaux et elles ont besoin de l’être, car elles ne peuvent pas fuir le danger en courant», détaille, dans le documentaire, Stefano Mancuso, fondateur du premier laboratoire international de neurobiologie végétale. «La sensibilité n’est pas quelque chose de lié au cerveau qui, en lui-même, est un organe stupide. Vous n’avez pas forcément besoin de neurones pour que l’information circule, d’autres types de cellules peuvent avoir la même fonction de transmission.»
Oreille interne…
Grâce aux progrès de l’imagerie scientifique, nous pouvons aujourd’hui approcher et observer les plantes comme jamais auparavant. Les scientifiques ont ainsi pu constater que ces dernières étaient composées de nombreux micro-poils. Daniel Chamovitz, chercheur en génie génétique à l’université de Jérusalem, a découvert l’origine de cette toison végétale : un gène très proche de celui responsable de la formation des cils vibratiles de l’oreille interne de l’homme. D’un point de vue génétique, les plantes ont donc des gènes identiques à ceux qui développent l’ouïe chez les animaux. Évidemment, elles n’entendent pas de la même manière que nous, néanmoins, leurs poils sont d’une aide précieuse pour capter, entre autres, des informations souterraines et absorber efficacement l’eau. «Nous sommes presque certains que les plantes utilisent les informations provenant des sons sous terre pour détecter, par exemple, la qualité des sols, la quantité d’eau ou la présence d’obstacles», poursuit Stefano Mancuso.
… et externe
Lilach Hadany, chercheuse à l’université de Tel-Aviv, travaille, notamment, sur ce qu’elle qualifie «d’oreille externe» de la plante : ses fleurs. Celles-ci auraient en effet adapté la disposition de leurs pétales, généralement concave, en bol ou en cloche, pour mieux capter les sons des pollinisateurs. But de la manœuvre ? Produire du nectar uniquement lorsque c’est nécessaire. «On estime que plus de 30 % de l’énergie de la plante sont gaspillés pour produire du nectar», relate la scientifique. Pour la fleur, produire ce sucre en continu dans l’espoir d’être fertilisée par un pollinisateur serait donc bien trop fatiguant. De plus, «cela attirerait toutes sortes de voleurs inutiles, des bactéries, des oiseaux, des champignons…» Résultat, les fleurs produisent beaucoup plus de nectar lorsqu’elles perçoivent le bourdonnement de leurs pollinisateurs et nettement moins quand ces derniers semblent absents.
Bavarde comme un plante
Depuis longtemps déjà, les scientifiques ont identifié des «claquements» émanant des plantes. Dès cette découverte, on a estimé qu’ils résultaient de l’éclatement de bulles d’air enfermées dans les canaux qui sillonnent les tiges des plantes. À Tel-Aviv, Lilach Hadany formule une autre hypothèse. Après avoir stressé différentes plantes, en les coupant ou en les privant d’eau, des micros ultrasensibles ont été installés à côté des végétaux pour enregistrer la façon dont ils réagissaient à ces attaques. «En quelques heures nous avons pu constater que les plantes émettent de brefs «clics» bien au-dessus de la capacité auditive humaine», détaille Lilach sur Arte. «Dans nos expériences, les claquements ont culminé vers le 5e jour sans eau, puis ont diminué.» Si nous pouvons aujourd’hui affirmer que les plantes émettent bien des sons de plus en plus intenses à mesure que leur stress augmente, même avant d’être visiblement déshydratées, une inconnue demeure : le font-elles pour communiquer avec un autre être vivant ? Déchiffrer ce langage serait une belle promesse : «Si les plantes émettent effectivement des sons qui ont un sens, ceux-ci pourraient être exploités par les agriculteurs, notamment en début de sécheresse.»
Ça sent le sapin ?
Du côté de Zurich, Consuelo De Moraes, professeure à l’Institut fédéral suisse de technologie, étudie le potentiel odorat des plantes. Pour en comprendre les mécanismes, elle s’est notamment intéressée à la cuscute, une plante parasite, qui a donc besoin d’un hôte pour survivre. Pour choisir sa victime, elle se baserait sur… l’odeur ! «Lorsque la cuscute germe, elle sort du sol et commence à pousser, par exemple, vers les plants de tomates qui l’entourent.» Pour être certaine de pouvoir vivre au dépend de sa proie, la cuscute doit alors s’assurer que cette dernière est suffisamment forte pour la supporter. «Notre hypothèse est que la perception de l’odeur se situe à la pointe de leur tige. Ce qui nous a vraiment émerveillés, c’est que la cuscute a la capacité de distinguer une plante saine d’une plante malade. Elle est capable de sentir les plants de tomates et de décider «voilà quelque chose sur lequel je peux survivre, elle peut vraiment renifler.»
Cet article est paru dans le Télépro du 4/4/2024
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