Basquiat esquissait déjà «Black Lives Matter»
Les peintures à la fois poétiques, frénétiques et rebelles de l’artiste new-yorkais, mort par overdose à 27 ans, en 1988, sont d’une étonnante actualité. Ce vendredi à 22h40, France 5 évoque «Jean-Michel Basquiat, artiste absolu».
En 2016, l’une des œuvres de Basquiat, «Head», a été adjugée à 57,3 millions $. L’année suivante, il a surpassé son regretté ami Andy Warhol en devenant l’artiste américain le plus cher à titre posthume, après la vente de son tableau «Untitled» pour 110 millions $ ! Un destin hors normes pour ce surdoué devenu volontairement sans-abri à l’âge de 17 ans afin de décorer les rues de la Big Apple de gribouillis a priori puérils mais cachant de sérieuses réflexions sur les travers de la société.
Déchiré entre deux cultures
Bien que subversif, Basquiat n’avait rien d’un délinquant. Ses créations d’aspect primitif complexe, chargées de couleurs, de mots ou phrases controversés, inspirées par les maux des minorités noires et amérindiennes, ont marqué un tournant dans l’histoire de l’art. Avec sa technique et son style non-académique, le jeune homme se souciait moins de l’esthétique de ses œuvres que des émotions qu’elles suscitaient et des messages subliminaux adressés tant aux experts qu’aux profanes.
«Il a vécu dans les bas-fonds de New-York, il y a appris l’urgence de la vie et de la peinture», dit de lui le critique d’art Michel Enrici. Souvent focalisé sur la tête des personnages qu’il dessinait, là où dansent toutes les joies et peines humaines, Basquiat était aussi, selon le collectionneur français Richard Rodriguez : «Un artiste fulgurant déchiré entre deux cultures spirituelles : celle, vaudou, de son père haïtien et celle, catholique, de sa mère portoricaine».
Graffeur, noir, tué par la police
Traumatisé par le divorce parental, le jeune Jean-Michel intègre une école expérimentale progressiste, City As, pour enfants surdoués où ses profs et sa mère remarquent son regard très lucide sur la vie. L’élève y devient ami avec Al Diaz, un passionné de graffitis. Sous le pseudo SAMO («Same Old Shit» : «la même vieille m…»), le duo couvre les murs d’East Village, de ses tags et citations ironiques, de 1977 à 1980, jusqu’à une dispute irréconciliable.
Repéré par une galeriste qui lui offre le gîte et un atelier, Basquiat peaufine son style néo-expressionniste iconique. Bien avant le mouvement «Black Lives Matter» et le décès de George Floyd en 2020, le génie peint la mort de l’artiste noir graffeur, Michael Stewart, violemment arrêté par la police dans le métro, en 1983. Et devient le porte-parole des «sans voix».
Outre des mots, il utilisera maints symboles antimatérialistes dont le dollar et une couronne (représentée par sa propre coiffure hirsute) figurant le mépris social des nantis, mais aussi son inattendue et de plus en plus encombrante renommée. Le peintre tente de la gérer en se confiant à son ami et père de substitution, Andy Warhol.
Mais à la mort de celui-ci en 1987, Basquiat n’a plus que les stupéfiants comme soutiens. Ils les consument en août 1988. Une légende est née.
Cet article est paru dans le Télépro du 16/6/2022
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