Bas le Masque de fer !
Les recherches historiques ont permis de mieux cerner la personnalité de celui qui est resté longtemps un personnage énigmatique de l’histoire de France. Ce mercredi à 21h10 sur France 3, «Secrets d’Histoire» fait sa rentrée en évoquant le Masque de fer.
C’est l’une des grandes énigmes de l’Histoire, celles qu’ont tenté de résoudre à leur manière des écrivains comme Voltaire, Alexandre Dumas, Marcel Pagnol… en donnant, derrière un visage caché par un masque, des traits romanesques sans doute loin de la vérité historique. Oui, le Masque de fer a bel et bien existé. Mais n’était-il pas juste un prisonnier comme les autres dont on couvrait la tête d’un tissu de velours lors de ses déplacements, de peur qu’il soit reconnu ?
Derrière la légende
Est-il le frère jumeau du roi Louis XIV enfermé de crainte qu’il revendique à son tour le trône, un bâtard né d’amours royaux illégitimes, un amant de la Reine, un ministre détenteur de secrets d’État… ? Peut-être rien de tout cela, au risque de mettre à mal un mythe qui a secoué bien des passions. Mais, du moins, ces légendes ont-elles inspiré de belles épopées romanesques, notamment au cinéma.
«Nous connaissons désormais son nom, son parcours en prison, son régime carcéral et nous savons même pourquoi il a été masqué», affirme l’historien Christian Petitfils, dans le livre qu’il lui a consacré (éd. Perrin, 2003). Dans les faits, le Masque de fer ne serait qu’un simple valet mais qui, néanmoins, connaissait un important secret politique.
Le marquis de Louvois, ministre de Louis XIV, aurait ordonné son incarcération dans la forteresse de Pignerol qui accueillait déjà un autre personnage de premier plan, le surintendant Nicolas Fouquet. Ce dernier avait fait bâtir à Vaux-le-Vicomte un luxueux château dont l’inauguration fastueuse avait fait pâlir de jalousie Louis XIV. Poussé par Colbert, le Roi avait fait mettre Fouquet aux arrêts.
Eustache Danger
Le serviteur mis aux fers déménage à plusieurs reprises sous une solide escorte, le visage toujours recouvert d’un masque. Mais qui est-il ? Voltaire rapporte qu’il aurait jeté par la fenêtre de sa cellule une assiette d’argent marquée de son nom. Tombée dans les mains d’un paysan analphabète, elle aurait été confiée à un officiel se réjouissant que l’objet n’ait pu être déchiffré !
C’est ensuite une protection en velours qu’arborera le prisonnier lors d’autres transferts qui l’amèneront finalement à la célèbre Bastille à Paris où il demeurera jusqu’à sa mort en 1703.
En réalité, d’après Christian Petitfils, le Masque de fer se nomme Eustache Danger. Le marquis de Louvois aurait écrit dans une missive adressée au gouverneur de Pignerol qu’il convenait d’être très prudent avec le prisonnier, en évitant le plus possible de communiquer avec lui. Il aurait aussi précisé qu’il ne s’agissait que d’un valet. D’ailleurs, l’homme aurait été un temps placé au service de Fouquet. Par la suite, ses conditions de détention se seraient assouplies, sans pour autant qu’il puisse parler aux autres détenus.
L’inavouable secret
Alors pourquoi tant de précautions autour d’Eustache Danger ? Sans doute en savait-il trop autour de négociations très secrètes entre la France et l’Angleterre. Louis XIV voulait alors se venger de n’avoir pu conquérir les Pays-Bas, contré par une alliance entre l’Angleterre, les Provinces-Unies (la Hollande actuelle) et la Suède.
Le Roi-Soleil cherchait donc à renverser les alliances pour s’en prendre aux Hollandais qu’il avait soustraits à la domination espagnole. Mais que vient faire le Masque de fer dans cet imbroglio diplomatique ? Ce valet aurait été l’un des messagers des négociations entreprises par Louis XIV, dont les correspondances étaient pourtant cryptées. Si elles avaient été divulguées, elles auraient pu être très préjudiciables au Roi.
Et pourquoi ne pas avoir exécuté Eustache Danger ? Simplement parce que l’assassinat ne faisait plus partie des mœurs d’une monarchie très catholique. Il était préférable de laisser croupir les gens dans les geôles sans autre forme de procès…
Cet article est paru dans le Télépro du 12/1/2023
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