Baia, le Saint-Tropez antique
Aujourd’hui submergée, la station balnéaire romaine a bâti sa réputation sur son ambiance sulfureuse, au propre comme au figuré.
Dans la baie de Naples, Baia est, à l’instar de Pompéi, figée dans le temps. Elle n’a pas été recouverte de cendres comme sa célèbre voisine, mais engloutie par les flots.
Avec le documentaire «Baïes, la cité antique engloutie», France 5 part ce jeudi à 21h40 à la découverte de ce «lieu de plaisance de tous les vices», selon les mots du sage Sénèque.
Dans cette zone volcanique parmi les plus actives du monde, les fonds marins abritent d’imposantes statues, de somptueuses mosaïques, de larges routes pavées… Sans la détermination de l’archéologue Amedeo Maiuri, ces trésors n’auraient peut-être jamais été mis au jour. Et Baïes, l’antique Baia, n’aurait jamais refait surface ! Car si la partie basse de la ville a été emportée par la mer au VIIe siècle, la partie haute a, elle, été recouverte par les scories volcaniques du Monte Nuovo en 1538.
Luxure et volupté
Avant de devenir un parc archéologique sous-marin, Baia n’existait qu’à travers les textes latins. Ceux-ci sont nombreux à décrire cette somptueuse cité balnéaire comme un haut lieu de villégiature pour les notables de la Rome antique. Entre le VIIIe et le VIIe siècle avant notre ère, des colons grecs s’installent dans le sud de la péninsule italienne. Ils nomment la région au nord du golfe de Naples les Champs phlégréens («brûlants»), en raison des nombreuses fumerolles et sources chaudes. Car l’endroit est une immense caldeira formée par une éruption explosive survenue 35.000 ans plus tôt.
Au IIe siècle, les Romains s’intéressent à ces eaux thermales et, au siècle suivant, construisent Baia. Son nom est un hommage à Baios, compagnon d’Ulysse, qui y aurait été enterré. Appréciée pour son climat doux, la ville doit surtout son succès à ses sources thermales, décrites comme les plus curatives d’Italie par Strabon et Pline l’Ancien. À côté des thermes chauffés et des nombreuses piscines, les Romains, ignorant le danger souterrain, y bâtissent de luxueuses villas.
L’aristocratie aime s’y ressourcer, loin du tumulte de Rome. «À l’aube de l’Empire, cette Riviera campanienne devient le lieu de tous les plaisirs d’une aristocratie avide de loisirs», écrit Virginie Girod dans «Baïes : une histoire d’eau qui finit mal» (Historia). «La baie abrite l’un des premiers parcs à huîtres de l’Histoire et des bassins d’eau de mer servant à la pisciculture. (…) À Baïes bien plus qu’ailleurs, les soirées se terminent très souvent de manière polissonne. Il règne, dans la station balnéaire, une licence qui serait intolérable à Rome.»
Phénomène rarissime
Proche de la grande base navale du cap Misène et de l’important port de Puteoli (actuelle Pouzzoles), Baia est plus qu’une simple station balnéaire de luxe. Elle est aussi le lieu où les empereurs romains se livrent aux pires excès. En 39, Caligula y réquisitionne toutes les embarcations pour former un pont de bateaux à travers la baie. Il y parade sur son cheval pendant plusieurs jours. Vingt ans plus tard, c’est depuis sa villa de Baia que Néron fait assassiner sa propre mère, Agrippine.
Pour l’archéologue Ferdinando De Simone, «Baia était considérée comme une petite Rome, non seulement à cause de la splendeur de ses bâtiments, mais aussi parce qu’on y faisait autant de politique, si ce n’est plus, que dans la capitale.» Mais si l’activité volcanique de la région a permis à la ville de connaître un tel succès, elle a aussi causé sa perte. Au fil des siècles, le bradyséisme, phénomène rarissime, provoque un mouvement du sol, si lent qu’il ne cause ni morts, ni évacuations. La ville est simplement délaissée petit à petit, jusqu’à sombrer sous la mer… et dans l’oubli.
Cet article est paru dans le magazine Télépro du 18/02/2021
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