Au pays de pharaons noirs
Redécouvert récemment par les archéologues, le royaume de Koush régna sur l’Égypte pendant près d’un siècle. Portrait d’une civilisation africaine méconnue, explorée dans un documentaire de David Starkey, diffusé ce samedi à 20h50 sur Arte.
Depuis plusieurs années, les archéologues exhument les vestiges du royaume de Koush, vaste empire s’étendant le long de la vallée du Nil, et longtemps resté inexploré en raison de la guerre civile soudanaise. La découverte, en 2003, à Kerma, première capitale du royaume de Koush, de sept statues monumentales de pharaons de la XXVe dynastie, par l’archéologue suisse Charles Bonnet, a révélé au monde l’existence de ces “pharaons noirs”.
On sait aujourd’hui que l’un d’eux, le souverain Taharqa, régna sur un territoire allant de Khartoum aux rives de la Méditerranée, une superficie probablement supérieure à toutes celles de l’histoire des pharaons égyptiens. Né à Kerma vers 2 500 ans avant J.-C., ce royaume tomba, un millénaire et demi plus tard, sous la coupe de l’Égypte. Mais celle-ci, plutôt que d’éradiquer la culture de son voisin, instaura une coopération politique. Elle sema ainsi la graine de sa défaite en facilitant l’avènement des “pharaons noirs”, qui furent à leur apogée de 744 à 656 avant notre ère.
Première superpuissance
Pourtant, pendant des siècles, l’Égypte fut regardée comme la seule grande civilisation africaine. Au début du XXe siècle, George Reisner, l’égyptologue américain qui, le premier, déterra les vestiges du royaume de Koush, et dont le documentaire diffusé par ARTE retrace les découvertes, jugeait impensable qu’une “race noire” puisse développer son propre empire. Se fiant à la vision historique des anciens Égyptiens qui décrivaient leurs voisins du Sud comme des barbares primitifs, Reisner livra une interprétation erronée, attribuant aux Égyptiens les grands monuments du Soudan.
En réalité, le royaume de Koush fut une ancienne superpuissance africaine. Les somptueux vestiges de ce royaume, qui mêlent pyramides, tombeaux ornés de fresques, temples, forteresses, statuaire et céramique, attestent que la puissance et la sophistication de la civilisation nubienne n’avaient rien à envier à celle de son voisin égyptien. Mais comprendre cette histoire tient aujourd’hui de la course contre la montre. À peine redécouverts, ces magnifiques vestiges sont menacés d’être engloutis par l’édification de douze barrages hydroélectriques le long du Nil, dont celui du Merowe au Soudan, que la Chine est actuellement en train de construire. La destitution du président soudanais, Omar el-Béchir, en avril dernier, ne devrait malheureusement pas remettre en question ces projets internationaux.
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