Attaques d’orques : il faut calmer Willy !

Image extraite du documentaire diffusé ce samedi sur Arte © Arte/k22film/Ricardo Garzon
Alice Kriescher Journaliste

Ce samedi à 22h25 avec le documentaire «Orques de Gibraltar, d’étranges attaques», Arte s’intéresse à un étrange phénomène qui voit des orques prendre pour cibles des bateaux entre le golfe de Gascogne et le détroit de Gibraltar ! Sans raison apparente…

Les premières attaques d’orques ont eu lieu en 2020 et n’ont plus jamais cessé. Depuis quatre ans, de nombreux bateaux subissent le même courroux inexplicable : celui des orques de Gibraltar. Pour qui doit naviguer dans ces eaux, c’est désormais la terreur qui règne, jusque dans les entrailles des marins les plus aguerris. Comment expliquer ce comportement agressif ?

Eaux troubles

Entre février 2020 et fin 2023, plus de 500 interactions violentes entre des orques et des embarcations, tout particulièrement des voiliers, ont été recensées. Le lieu privilégié des attaques est généralement le large de Gibraltar et le modus operandi est immuable : un groupe de cétacés approche un bateau, le pousse pendant de longues minutes en donnant de violents coups dans le gouvernail, puis la bande entreprend de mordre des parties spécifiques de la chaloupe avant de s’éloigner.

Deux navires coulés

Selon les chiffres du «Groupe de travail sur les orques de l’Atlantique», la moitié des navires attaqués a subi des dommages et deux ont totalement coulé. Concernant le danger de ces attaques pour l’homme, pas de panique : les orques sont piscivores. «Ces épaulards ne mangent pas des mammifères» (ndlr : pas de mammifères terrestres, mais bien quelques petits mammifères marins), expliquent les spécialistes dans Ouest France. «Aucune attaque d’épaulard n’est connue dans le monde, sauf dans les parcs aquatiques où ils deviennent fous.»

Jeu ou vengeance ?

Au fur et à mesure des attaques, spécialistes des cétacés et scientifiques se sont penchés sur le pourquoi de ces agressions. Aujourd’hui, aucune explication ne fait consensus dans le milieu, mais plusieurs hypothèses ont été émises. La première émane de Mónica González, biologiste marine. Selon cette dernière, tout aurait commencé lorsque White Gladis, une femelle orque, a été heurtée et blessée par un navire, alors qu’elle était enceinte, en 2020. Cet incident traumatisant l’aurait poussée à adopter un comportement hostile envers les voiliers, attitude qu’elle aurait transmise à sa famille ainsi qu’à d’autres congénères.

Animal joueur

Pour Paul Tixier, spécialiste reconnu des orques et des cachalots, ce postulat est impossible. «La vengeance est un concept qui n’existe pas chez les animaux. Les orques n’ont pas de raison de se venger d’actes passés. Leur but principal est de chasser, se reproduire et s’amuser !», affirme-t-il dans le magazine Futura Sciences. Une appétence pour le divertissement qui est loin d’être inédite. «Dans les années 2000, certaines orques s’amusaient avec les casiers de pêche. Elles avaient trouvé ça drôle, et d’autres individus ont reproduit leurs comportements, avant d’arrêter.»

Pourquoi Gibraltar ?

Une autre question reste cependant en suspens, qu’il s’agisse de jeu ou de vengeance, pourquoi le large de Gibraltar centralise-t-il les attaques ? L’endroit est particulièrement riche en nourriture pour les orques et présente, naturellement, la plus grande concentration de mammifères marins. Un paradis de cétacés… si la circulation maritime n’y était pas si dense. Alors, ces provocations sont-elles une manière pour les orques de signifier aux humains qu’ils sont trop envahissants ?

Cohabitation difficile

«En Europe, la grande difficulté vient du fait que les animaux et les humains doivent partager les mêmes milieux de vie. Notre continent est très densément occupé, dans ses parties terrestres, mais aussi dans ses mers», détaille Klaus Hackländer, biologiste, dans le documentaire d’Arte. «La manche ou le détroit de Gibraltar sont devenus des goulets d’étranglement par lesquels tout le monde doit passer. Alors, forcément, ça coince. Les animaux et les humains se retrouvent à devoir se nourrir et coexister au même endroit et au même moment. Comme leurs intérêts sont contradictoires, ça devient logiquement une source de conflits.»

Cet article est paru dans le Télépro du 1/2/2024

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