Arts : la patte de Néandertal

Différentes méthodes de datation attribuent des tracés rupestres à l’homme de Néandertal Les découvertes réalisées dans la grotte de la Roche-Cotard, en Indre-et-Loire (Touraine), font vaciller les certitudes © Arte/Tournez s'il-vous-plaît Prod.

Qui est le premier artiste de l’humanité ? L’homme de Néandertal, disparu il y a 40.000 ans, ou son cousin moderne, l’Homo sapiens ? Ce samedi à 22h15, Arte diffuse la documentaire «Néandertal, premier artiste de l’humanité ?».

Très longtemps, les paléoanthropologues nous ont affirmé que l’art était né avec l’Homo sapiens, l’homme moderne, il y a près de 40.000 ans. Pour preuve, les œuvres pariétales découvertes dans les grottes françaises de Lascaux (20.000 ans) et de Chauvet (37.000 ans).

Mais depuis 2012, cette théorie est mise à mal. Cette année-là, un disque rouge de la grotte espagnole d’El Castillo passait la barre des 40.000 ans.

Rebelotte en février 2018, toujours en Espagne. L’équipe du chercheur allemand Dirk L. Hoffmann passe au crible la grotte de La Pasiega et date un signe scalariforme de 64.800 ans minimum. À Ardales, une sélection de concrétions a été peinte il y a au moins 65.500 ans.

Enfin, à Maltravieso, une main négative affiche au moins 66.700 ans ! Or, à l’époque, seuls les hommes de Néandertal vivaient en Europe.

Deux méthodes

Stupeur dans le monde des anthropologues ! Néandertal, ce cousin de l’homme moderne, considéré comme un être rustre et stupide et dont la présence est attestée en Europe depuis -250.000 jusqu’à -30.000 à -40.000 ans, savait manier le crayon, ou plus exactement l’ocre rouge ? L’art pariétal ne serait-il plus l’apanage de l’Homo sapiens ?

En juin dernier, comme le montre le documentaire d’Arte diffusé samedi soir, la datation en France de tracés rupestres remontant à plus de 57.000 ans dans une grotte en Touraine, celle de la Roche-Cotard, bouscule encore un peu plus les certitudes des préhistoriens.

Comment ces œuvres ont-elles été datées ? En Espagne, Dirk L. Hoffmann a utilisé l’uranium-thorium. «L’uranium-thorium date les croûtes de carbonate de calcium recouvrant les pigments. Elle peut remonter jusqu’à 500.000 ans en arrière», explique-t-il. En Touraine, les Français ont choisi l’OSL, la datation par luminescence stimulée optiquement, une technique de pointe capable de mesurer la dernière exposition des roches à la lumière du jour.

Bataille d’experts

Des procédés qui ne convainquent pas tous les scientifiques. Pour le Français Ludovic Slimak, fin connaisseur des sociétés néandertaliennes, la seule datation à l’uranium-thorium est insuffisante. Le professeur Adam Brunner, de l’université australienne de Brisbane, se demande, lui, si les datations réalisées à l’uranium-thorium ne correspondent pas à la roche plutôt qu’aux peintures.

Une suspicion que balaye la préhistorienne française Marylène Patou-Mathis, spécialiste des comportements des néandertaliens. «La méthode utilisée date la couche de sédiments au-dessus de la peinture. Si les sédiments datent de 65.000 ans, la peinture ne peut qu’être plus vieille», explique-t-elle. «Tous ces débats me font penser aux discussions lors de la découverte en 1879 de la grotte d’Altamira en Espagne (le premier endroit au monde où fut identifiée l’existence de l’art rupestre du Paléolithique supérieur, ndlr). Les chercheurs de l’époque prétendaient qu’il était impossible que l’homme préhistorique ait pu réaliser quelque chose d’aussi spectaculaire. Pourtant, en 1902, il a bien fallu admettre la vérité !»

Et aujourd’hui reconnaître que bien avant Léonard de Vinci ou Michel-Ange, Néandertal a été le premier artiste de l’humanité ?

Cet article est paru dans le Télépro du 2/11/2023

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