Artemisia Gentileschi : balance ton mentor !

« Autoportrait en martyre » par Artemisia Gentileschi (vers 1615) © DR/Wikimedia
Alice Kriescher Journaliste

Ce samedi à 23h15, Arte nous ouvre les portes de l’atelier d’Artemisia Gentileschi (1593-vers 1656), peintre géniale et féministe avant l’heure.

Encore aujourd’hui, il n’est pas aisé pour une femme de se faire une place dans un monde d’hommes, imaginez alors l’exploit que cela représentait au XVIIe siècle. Artemisia Gentileschi, peintre italienne, a réussi ce tour de force. Portrait.

Gènes de génie

Née en juillet 1593, à Rome, Artemisia Gentileschi est la fille aînée du peintre Orazio Gentileschi. Artemisia n’a que 12 ans lorsqu’elle perd sa mère. Comme les jeunes filles de l’époque, elle passe sa vie cloîtrée, n’effectuant des sorties que pour se rendre à la messe. Heureusement, Artemisia bénéficie d’une échappatoire de choix : la peinture et l’atelier de son père, dont elle a hérité du talent. Elle signe, dès ses 17 ans, l’une de ses premières œuvres majeures : « Suzanne et les vieillards ».

Procès éprouvant

Cette vie tranquille bascule en 1611. Orazio, qui s’est lié d’amitié avec un certain Agostino Tassi, jeune peintre avec qui il a travaillé, demande à ce dernier de former sa talentueuse fille aux techniques de la perspective. Tassi accepte. Mais, un matin, alors que le père de la jeune femme s‘est absenté, Agostino viole son élève. Artemisia rapporte les faits à son père qui la croit et dénonce Tassi aux autorités. L’année suivante, le procès d’Agostino débute. Ou plutôt, le calvaire d’Artemisia. Après un humiliant examen gynécologique en public, la victime de Tassi est torturée… À l’époque, on estime que si une personne maintient son témoignage sous la torture, elle dit vrai. Artemisia subit donc le supplice des sibili, des cordes nouées autour des doigts et serrées de plus en plus fort, au risque de briser les os de la main dont elle se sert pour peindre. La jeune femme tient bon et trouve même la force d’invectiver son agresseur malgré la douleur. « Tassi fut reconnu coupable et condamné à l’exil, mais plus tard il fit jouer ses relations pour regagner Rome », relate le National Geographic.

Sortir de l’ombre

Après cet épisode traumatisant, Artemisia épouse un confrère, Pierantonio Stiattesi. Ils s’installent à Florence et ont deux filles, avant que l‘artiste ne le quitte pour profiter de son indépendance et de son art, entre l’Italie et Londres. Jusqu’à sa mort, à Naples vers 1656, le talent colossal d’Artemisia ne fera que grandir. « Les portraits qu‘elle peignait étaient si somptueux et d’une telle qualité technique que sa renommée surpassa celle de son père, d’après un biographe contemporain », indique le National Geographic. Mais l’histoire de l’art est écrite par des hommes et le nom d’Artemisia Gentileschi fut oublié, jusqu’au début du XXe siècle où certaines de ses œuvres redécouvertes provoquèrent l’admiration générale. En 2019, un tableau représentant Lucrèce se donnant la mort a été vendu pour 4.777.000 €, un record pour une œuvre d’Artemisia.

Cet article est paru dans le Télépro du 14/11/2024

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