Arcimboldo, ou l’art de croquer des portraits croquants !
Ce dimanche à 17h50, un documentaire d’Arte («Arcimboldo, portrait d’un audacieux), tire le portrait de l’artiste génial (1526-1593), qui n’a pourtant peint qu’une trentaine de tableaux.
Vous avez sans doute déjà aperçu l’un de ces surprenants portraits, composés de fruits, de légumes, d’animaux ou d’objets. Mais peut-être ignorez-vous qui est le peintre de la Renaissance qui se cache derrière ces toiles : l’Italien Giuseppe Arcimboldo (1526-1593).
Racines italiennes
Giuseppe Arcimboldo naît en 1526 à Milan. La ville qui le voit grandir est peuplée d’artisans talentueux et une cathédrale grandiose est en train d’y être érigée. L’atelier de son père, peintre reconnu, participe à la construction de ce Duomo. C’est naturellement à ses côtés que Giuseppe entame sa formation à 20 ans. Trois ans plus tard, il porte déjà le titre de maître. Son talent est évident, tout comme sa polyvalence : vitraux, tapisseries, fresques… Le garçon a de l’or dans les doigts.
L’influence de De Vinci…
Sa fréquentation des ateliers d’artistes lui offre une opportunité rare : pouvoir admirer des croquis laissés par Leonard De Vinci. L’inventeur a en effet passé une partie de sa vie dans la capitale lombarde un demi-siècle plus tôt. Nul doute pour les historiens de l’art que ses dessins naturalistes ainsi que ses portraits aux allures grotesques et monstrueuses ont marqué le jeune Giuseppe et nourri son imagination.
… et du maniérisme
Mais si Arcimboldo s’inspire de De Vinci, il va aussi s’y opposer, comme d’autres artistes de sa génération : les maniéristes. Pour les peintres de la seconde moitié du XVIe siècle, une question se pose : comment trouver sa place après la perfection des Raphaël, Titien, Michel Ange et, bien sûr, De Vinci ? Se placer dans une position de rupture. Au diable les lignes classiques, les lois de la perspective et les proportions parfaites des corps. Les artistes assument leur fantaisie et font place au mouvement.
Ciao Vienne !
En 1562, Maximilien II de Habsbourg, empereur du Saint-Empire romain germanique, réclame Arcimboldo comme portraitiste. À l’aube de la quarantaine, le peintre quitte l’Italie pour rejoindre l’effervescente cour viennoise. Son inventivité y est sollicitée de toutes parts. Joutes, bals, cortèges, théâtre, banquets… Les fêtes fastueuses ne manquent pas. Arcimboldo donne libre-court à son imagination pour en dessiner les mises en scène, les décors et les costumes extravagants.
Les quatre saisons
Si cette fonction assoit sa notoriété, ce n’est pas grâce à elle que le nom d’Arcimboldo traverse les siècles. En 1563, Maximilien II lui commande une série de toiles. Avec quatre portraits anthropomorphes, Arcimboldo compose un visage humain avec des éléments de la nature. «Le Printemps», dont les fleurs représentent la jeunesse, fait face aux fruits et légumes de «L’Été», qui donnent vie à un homme dans la force de l’âge. Sous ses grappes de raisins, «L’Automne», illustration de la maturité, dialogue avec «L’Hiver», vieillard créé à partir d’une souche séchée. Cette allégorie est aussi l’occasion pour les Habsbourg de représenter, au travers du cycle des saisons, la stabilité et la force de leur pouvoir.
Cabinet de curiosités
En 1572, Giuseppe s’établit à Prague au service du fils de Maximilien. Excentrique et passionné d’arts et de sciences, le nouvel Empereur charge l’Italien de lui constituer un cabinet de curiosités. Collectionneur dans l’âme, Rodolphe II accumule les bizarreries créées par l’Homme et la nature. Notamment les découvertes rapportées du Nouveau Monde. Exalté par ces animaux et objets extraordinaires, Arcimboldo continue de créer. Mais après vingt-cinq ans à la cour des Habsbourg, il ressent le besoin de rentrer à Milan. Ce qui ne l’empêche pas d’envoyer de nouvelles toiles à l’Empereur, notamment un portrait représentant celui-ci en Vertumne, dieu romain des jardins et vergers. Cette peinture est l’une des plus célèbres d’Arcimboldo.
Artiste surréaliste
Reconnu et adoré de son vivant, il tombe pourtant dans l’oubli après sa mort en 1593. Mais au XXe siècle, une bande d’artistes avant-gardistes le sort de l’ombre : les surréalistes. Leurs œuvres ont un message commun : les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être. La technique du collage et les illusions d’optique du peintre italien influencent leur travail. Difficile de ne pas rapprocher les portraits d’Arcimboldo de créations comme «In Voluptas Mors», photographie de Dalí sur laquelle des corps emmêlés de femmes prennent la forme d’un crâne, ou «Le Viol» de Magritte, représentant un visage façonné à partir du buste d’une femme. Arcimboldo, un peintre en avance sur son temps !
Cet article est paru dans le Télépro du 17/3/2022
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici