Ancêtres de tout poil
Cinq continents, cinq animaux et 66 millions d’années d’évolution. C’est l’ambitieux programme que propose Arte de lundi à vendredi à 19.00 avec la série documentaire «L’Odyssée des animaux».
L’éléphant, l’ours, le singe, le cheval et le kangourou n’ont pas toujours eu l’apparence qu’on leur connaît aujourd’hui. Loin de là. Voyage dans le temps à la rencontre de leurs surprenants ancêtres.
Éléphant miniature
Difficile à croire et pourtant… À ses débuts, l’éléphant était loin de porter le titre qu’il arbore aujourd’hui de plus gros mammifère terrestre. De nos jours, l’éléphant d’Asie (2,8 m au garrot pour 4 tonnes) et l’éléphant de forêt d’Afrique (3,5 m au garrot pour 6 tonnes) ont déjà du mal à rivaliser avec les colossales mesures de l’éléphant de la savane d’Afrique : 4 m au garrot pour 7 tonnes.
Ces trois membres de la famille des Elephantidae sont les derniers survivants de l’ordre des Proboscidea qui ne date pas d’hier. Son plus ancien spécimen, exhumé au début des années 2000 au Maroc, serait âgé de 60 millions d’années : Eritherium azzouzorum. Celui-ci ne pesait alors que 4 ou 5 kg, mesurait seulement 20 cm et n’avait encore ni trompe ni défenses, mais une incisive en forme de pelle.
Grizzly voyageur
S’il est présent en Europe et en Asie, l’ours est le symbole de l’Amérique du Nord, s’affichant même sur le drapeau californien. Pourtant, avant d’arpenter le Grand Ouest, le grizzly a fait un long voyage. C’est en Eurasie (bloc formé par les continents asiatiques et européens) qu’apparaît la première lignée d’ours. Dans le sud-ouest de la France, des paléontologues ont découvert des dents de Cephalogale, premier représentant des ursidés, datées d’il y a 33 millions d’années.
L’animal était dix fois plus petit et pesait vingt fois moins que notre grizzly. L’espèce évolue en différentes branches, dont sont héritiers les ours modernes. Parmi ces évolutions, l’Ursus minimus (ou ours d’Auvergne, photo ci-dessous), aïeul de l’ours noir et de l’ours brun (dont le grizzly est une sous-espèce). Il y a 100.000 ans, il traverse la Béringie, pont terrestre reliant alors la Sibérie et l’Alaska, pour parvenir sur l’actuelle Amérique du Nord. Après une longue épopée, le grizzly a trouvé son nouveau foyer.
Singe navigateur
C’est chez nous qu’a été découvert l’un des plus anciens fossiles – vieux de 56 millions d’années – du plus vieux primate : le teilhardina (photo ci-dessous). Grâce à leurs pouces opposables et leur vue stéréoscopique (en 3D), les primates sont d’excellents candidats à la survie. Ainsi, lorsqu’il y a 33 millions d’années, la planète refroidit brutalement, ils se trouvent rassemblés au niveau des tropiques et de l’équateur, où subsistent des forêts. Leur présence en Afrique et en Asie, à l’heure actuelle, est donc facilement explicable.
Mais comment se sont-ils retrouvés en Amérique du Sud, alors isolée du reste du monde ? Les dernières découvertes laissent penser qu’ils seraient arrivés d’Afrique… en radeau. Secoué par de violentes tempête, le continent africain se serait vu amputé de lambeaux de terre, qui auraient dérivé jusqu’à l’Amérique du Sud, alors seulement distante de 1.000 km (contre 3.000 aujourd’hui). À bord de ces embarcations de fortune, des primates pris au dépourvu.
Cheval impair
Savez-vous avec quelles autres bêtes les équidés (comprenant donc les zèbres et les ânes) partagent un ancêtre commun ? La réponse a de quoi surprendre, mais il s’agit du rhinocéros et du tapir. Leur point commun ? Ce sont les seuls mammifères ongulés (munis de sabots) périssodactyles, c’est-à-dire pourvus d’un nombre impair de doigts. Alors que les rhinocéros et les tapirs en possèdent trois, les équidés, eux, n’en possèdent qu’un.
Le plus ancien fossile de périssodactyle, daté d’il y a 60 millions d’années, a été trouvé dans le nord de l’Inde. Il faut ensuite attendre que celle-ci, qui était alors une île, rejoigne le continent asiatique pour que se répande le périssodactyle vers l’Europe et l’Amérique du Nord, donnant naissance à deux nouvelles familles : les cératomorphes (qui deviendront des tapirs et des rhinocéros) et les hippomorphes, ancêtres de nos chevaux.
Kangourou géant
Avec le koala, il est l’animal emblématique de l’Australie. Si tous deux sont des marsupiaux, ce n’est pas un hasard : cette infraclasse des mammifères, qui donne naissance à des petits sous forme de larves ensuite transportées dans une poche ventrale, représente 90 % des mammifères de l’île. Les marsupiaux ont assisté à l’extinction des dinosaures, migré depuis le nord de l’Amérique et sont passés par l’Antarctique avant de s’établir en Australie.
Et alors qu’ils avaient jusque-là le désavantage face aux placentaires (mammifères dont la gestation est permise par le placenta), l’Australie les voit proliférer grâce à une formidable capacité d’adaptation. Dont une transformation surprenante. Il y a entre 1 et 15 millions d’années, l’Australie s’assèche, l’herbe dont raffole le kangourou perd en qualités nutritives. Le marsupial connait un épisode de gigantisme : en devenant plus gros, il ralentit sont métabolisme, réduisant ses besoins en énergie. Des kangourous de 3 m (le double d’aujourd’hui) bondissent alors dans le bush, avant d’être anéantis par une nouvelle sécheresse et l’arrivée de l’Homme.
Cet article est paru dans le Télépro du 22/9/2022
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