Anaïs Nin : éternelle amoureuse, sempiternelle menteuse

Collectionnant maris, maîtresses et amants, la sulfureuse révéla même l’inceste avec son père perdu de vue durant plus de vingt ans... © France 5/Folamour Productions

Toujours éprise de passion, l’auteure franco-américaine (1903-1977) était aussi une mythomane invétérée. Ses écrits intimes en témoignent encore… Ce vendredi ) 22h25, France 5 dresse son portrait dans «Anaïs Nin, vivre sans entraves».

Ce sont 35.000 pages écrites par une seule et même femme. L’œuvre de toute une vie qui va connaitre un immense succès de librairie : «Le Journal d’Anaïs Nin». Avec ses maris et ses amants, ses excès et ses mensonges. Certains ont estimé que cette publication tenait du scandale. D’autres que c’est un témoignage rare et précieux sur l’intimité d’une femme. Qui était vraiment Anaïs Nin ? France 5 dresse un portrait tout en nuances de l’écrivaine franco-américaine.

«Ma drogue, mon vice»

Anaïs Nin a 11 ans quand elle écrit ses premières lignes, sur le bateau qui l’emmène à New York. Abandonnée par son mari, Rosa Nin a choisi d’emmener ses enfants loin de Paris. Mais la petite Anaïs vénère son père. Elle lui écrit tout au long du voyage et, à l’arrivée, achève un carnet de bord complet… Sa mère refuse cependant de l’envoyer. Contrainte de conserver son cahier, la gamine le transforme peu à peu en journal intime. Elle ne le lâchera plus jamais. «Ce journal est mon kif, mon haschich, ma pipe d’opium, ma drogue et mon vice», écrira Anaïs devenue adulte.

Henry & June

À 20 ans, elle épouse Hugh Guiler, un banquier américain. Le couple s’installe à Paris où il mène la grande vie. Jusqu’au krach boursier de 1929. Partiellement ruinés, les époux doivent déménager en banlieue. Anaïs a 30 ans et compare son quotidien à celui de Madame Bovary. Elle se réfugie dans l’écriture et la lecture. Elle se passionne pour «L’Amant de lady Chatterley» et son incroyable sensualité. C’est à cette époque qu’elle fait la connaissance d’un jeune Américain qui mène une vie de bohème à Paris : Henry Miller. Comme elle, il rêve d’être écrivain. Comme elle, il n’a encore rien publié. Ils deviennent amis, puis amants. Hugh sait, mais il laisse faire pour ne pas perdre sa femme. Anaïs fait ensuite la connaissance de June, l’épouse d’Henry, dont elle tombe éperdument amoureuse. «Je suis prise entre la beauté de June et le génie d’Henry, mais j’ai pour June un amour fou, irraisonné. Je dois choisir mais j’en suis incapable», écrit-elle dans ses cahiers.

Un journal, deux versions

Anaïs se confie alors à un psychanalyste, Otto Rank, qui ne tarde pas à devenir aussi son amant. Les choses se compliquent quand elle se retrouve enceinte. Hugh veut garder l’enfant, même s’il est de Henry qui n’en veut pas. Anaïs craint que la maternité empiète sur sa vie de femme. Elle avorte le jour même où Henry Miller publie son premier roman : «Tropique du Cancer». «Voici une naissance qui m’intéresse beaucoup plus», écrit-elle. Dans l’intervalle, elle a repris contact avec son père qu’elle n’a pas vu depuis vingt ans. Ils se donnent rendez-vous dans un hôtel de la Côte d’Azur où les retrouvailles virent à l’inceste… Anaïs vit dans le mensonge permanent. Elle écrit désormais deux journaux en parallèle : le vrai dont elle dit à son mari que c’est celui de ses fantasmes, et une version expurgée qu’elle dit être la réalité.

Égérie féministe

Anaïs Nin publie plusieurs romans qui n’ont aucun succès. En 1966, elle décide d’entamer la publication de son journal. Mais dans sa version expurgée où Henry n’est qu’un ami, Otto qu’un psy et le père qu’un père. Ce seront finalement sept tomes qui vont connaitre un succès mondial, faisant d’Anaïs une égérie féministe des seventies. La version originale de son journal ne sera publiée qu’après son décès, en 1977.

Cet article est paru dans le Télépro du 3/3/2022

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