Alimentation industrielle : empoisonnés volontaires !

Le chimiste américain Harvey Wiley, un des premiers lanceurs d’alertes de l’ère industrielle © Arte/Courtesy of Library of Congress

Cendres dans le café, lait coupé à la craie… À ses débuts, l’industrie alimentaire se croyait tout permis. Quitte à empoisonner la population ! Ce mardi à 22h20, Arte diffuse le documentaire «La Brigade des empoisonnés volontaires».

Que contiennent vraiment nos aliments ? Harvey Wiley (1844-1930) est le premier à s’être posé la question. Au début du siècle dernier, ce chimiste américain craint que l’industrie agro-alimentaire naissante empoisonne à petit feu ses contemporains. Wiley veut alerter et protéger la population. Mais face à lui, les lobbies sont déjà hyper puissants… Mardi, Arte revient sur cette lutte d’un David contre Goliath dans le documentaire «La Brigade des empoisonnés volontaires».

Manger en ville

À la fin du XIXe siècle, les habitudes alimentaires sont en pleine mutation. Jusque-là, chacun produisait ce qu’il mangeait. Chaque ménage avait son petit potager et quelques poules, engraissait un cochon, et se procurait les produits laitiers à la ferme voisine. Tout était frais et naturel.

Mais avec la révolution industrielle, lorsque les gens désertent les campagnes pour la ville, ce lien direct avec la nourriture est rompu. Une industrie agro-alimentaire se met en place pour nourrir les citadins. Mais comment travaille-t-elle ? Le chimiste Harvey Wiley s’interroge dès 1881. Sa première étude porte sur des échantillons de miel. Résultat : c’est essentiellement du glucose de maïs ! Un produit bien moins cher, qui leurre le consommateur.

Dangereux additifs

Plus encore que la fraude, les additifs inquiètent Wiley. Dans le lait, par exemple. Pour gonfler leur marge, les industriels le coupent à l’eau. Et pour qu’il conserve sa belle couleur blanche, ils y ajoutent du plâtre ou de la craie.

Reste la question de la conservation. L’industrie recourt au formaldéhyde : le produit utilisé pour… embaumer les morts ! Ça conserve, mais c’est dangereux.

Plusieurs milliers d’enfants meurent chaque année de ces laits frelatés. En l’absence de réglementation, pas d’infraction, donc pas de poursuites ! Les industriels font ce qu’ils veulent. Pour conserver le jambon, ils utilisent du borax, un produit jusque-là destiné à blanchir le linge.

Tout est à l’avenant : Wiley note que le café est principalement composé de chicorée, de sciure de bois et de cendres… Il voudrait que le Congrès mette le holà. Mais le lobbying des industriels est tel qu’aucune loi n’est jamais votée.

Cobayes humains

Le scientifique alerte alors directement la population. En 1902, il crée la «Brigade des empoisonnés volontaires» : un groupe d’une douzaine de fonctionnaires consentants qu’il nourrit matin, midi et soir en ajoutant à leurs repas les additifs utilisés par l’industrie.

Le chimiste teste les produits un par un. Tous ont des effets nocifs sur la santé. La presse s’empresse de relayer ces audacieuses expériences, de sorte que l’opinion publique s’intéresse au sujet et oblige le politique à bouger. En 1906, la première loi sur la protection des consommateurs est finalement votée. Dans les années qui suivent, Wiley s’intéressera à la composition du Coca-Cola… Ce qui lui vaudra quelques nouveaux ennemis !

Cet article est paru dans le Télépro du 17/6/2021

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