Alimentation : culture carnée

61 % des femmes se considèrent comme de «vraies carnivores» contre 72 % des hommes © Getty Images
Alice Kriescher Journaliste

Comment notre rapport à la viande a-t-il évolué au fil des siècles ? C’est la question que pose le documentaire «Mange ta soupe», mardi à 15h15 sur Arte.

D’aussi loin qu’on s’en souvienne, nous avons toujours consommé de la viande. Mais depuis quand sa consommation pose-t-elle question ?

Homos proteinus

Avec les méthodes d’investigations actuelles, il est possible de connaître le menu des espèces australopithèques qui vivaient en Afrique, il y a entre 1,8 et 4,2 millions d’années. «Certaines espèces étaient strictement végétariennes, d’autres consommaient des protéines animales, principalement sous la forme d’insectes», explique Marylène Patou-Mathis, directrice de recherche au CNRS, au journal Le Monde. «Les australopithèques végétariens ont disparu, mais ceux qui sont sur notre lignée étaient omnivores.»

Viennent ensuite les premiers représentants du genre Homo. Homo habilis préfère les protéines provenant des mammifères et non des insectes, tandis qu’erectus et sapiens perfectionnent les outils, profitent de la domestication du feu pour cuire la viande et font de cet aliment une constante de l’alimentation. «Ce n’est pas le seul fait de manger de la viande qui a façonné l’espèce humaine», indique néanmoins le paléoanthropologue Daniel Lieberman, professeur à Harvard, dans les pages du Temps. «La cueillette, le langage et de nombreux autres facteurs y ont également contribué.»

Interdits et paradoxes

Après ces découvertes alimentaires préhistoriques, nous avons, bien plus tard, commencé à développer des préférences en matière de viande. Ainsi, chiens et chats font partie de la famille, tandis qu’agneaux et veaux sont jugés savoureux. D’autres animaux ont des statuts plus flous. À l’instar du lapin, considéré à la fois comme un animal de compagnie, de boucherie ou de laboratoire.

Des habitudes qui sont culturelles et éducatives, comme l’explique la psychologue américaine Mélanie Joy, dans son ouvrage «Introduction au carnisme : pourquoi nous aimons les chiens, mangeons les cochons et portons les vaches». «Le carnisme est un système de pensée conditionnant, dès le plus jeune âge, à considérer qu’il est normal, naturel, voire nécessaire de manger certains animaux et pas d’autres.»

Affaire de sexe ou de sous ?

Aujourd’hui, la consommation de viande est régulièrement au centre des débats. Chez nos voisins français, elle agite même les joutes politiques de ces dernières semaines. Alors que la députée Europe Écologie Les Verts, Sandrine Rousseau, affirme que le barbecue est un symbole de virilité à déconstruire, Fabien Roussel, député communiste, rétorque que la viande n’est pas une question de sexe, mais de moyens financiers.

Au regard des études, la première semble avoir raison. Selon un sondage mené par Gaia en 2019, 72 % des hommes se considèrent comme de «vrais carnivores», contre 61 % des femmes. Une consommation plus accrue qui ne s’explique pas par des besoins naturels, puisque l’apport journalier recommandé en protéines par rapport au poids du corps est identique entre deux adultes du même sexe, soit 0,66 gramme par kilo.

Et d’après la dernière enquête de consommation alimentaire menée auprès de la population belge, en 2014, «les personnes avec le niveau d’éducation le plus faible (sans diplôme, diplôme de primaire ou de secondaire) consomment significativement plus de viande (119 g par jour) que les personnes diplômées de l’enseignement supérieur de type long (98 g par jour)».

Cet article est paru dans le Télépro du 6/10/2022

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