Alice Guy : inconnue du 7 e art aux 1.000 films

La jeune cinéaste connaîtra la gloire jusqu’à Hollywood, avant de sombrer dans l’oubli... © RTBF/10.7 Productions
Alice Kriescher Journaliste

Ce samedi à 20h35 dans «Retour aux sources», La Trois revient sur le parcours étonnant de cette Française (1873-1968), première réalisatrice, scénariste et productrice de cinéma.

Si Georges Méliès et les frères Lumière sont des icônes du 7e art, Alice Guy, elle, n’évoque pas grand-chose. Et pourtant, à la fin du XIXe siècle, cette pionnière, indépendante et talentueuse, s’était fait une place dans le gratin du cinéma, alors à ses balbutiements.

Première séance

28 décembre 1895. Dans le salon indien du Grand Café de Paris a lieu la première projection payante des films de Louis et Auguste Lumière. Le programme compte dix «vues» mises en boîte par les célèbres frères, dont «La Sortie de l’usine Lumière à Lyon». Parmi les trente-trois spectateurs présents, les yeux d’une jeune fille de 22 ans n’en perdent pas une miette. Ce sont ceux d’Alice Guy. Depuis peu, elle est secrétaire pour le Comptoir de la photographie, un magasin spécialisé dans les articles photo, dont le sous-directeur n’est autre que Léon Gaumont. «Alice navigue depuis peu parmi les créations plus ou moins innovantes de la jeune industrie de l’image», détaille la RTBF. Enthousiaste, elle s’empresse de raconter la projection à son patron. Mais, à l’époque, l’objectif de Gaumont n’est pas de vendre des films mais des caméras.

Intime conviction

Alice n’en démord pas. Depuis cette expérience, elle sent que le cinématographe va devenir un nouveau moyen de raconter des histoires. «S’armant de courage, elle demande à son patron l’autorisation « d’écrire une ou deux saynètes et de les faire jouer par des amis »», relate TV5 Monde. «Gaumont accepte à condition que « son courrier n’en souffre pas ».» Moins d’un an après la séance des Lumière, la secrétaire réalise sa première fiction, «La Fée aux choux». Le résultat plaît à M. Gaumont, qui lui confie la direction d’un service dédié aux «vues animées de fiction». Entre 1898 et 1899, Alice se lance dans un projet d’envergure en tournant plusieurs scènes de la Passion du Christ. Pour l’époque, la durée de 35 min de ce film est exceptionnelle. «En développant la production de fictions (qui, sous sa direction, passe de 15 % en 1900 à près de 80 % en 1906)», poursuit TV5 Monde, «Alice Guy transforme la maison Gaumont en une société résolument tournée vers le 7 e art et lui permet de rivaliser avec Pathé, son principal concurrent.»

Conquête américaine

En 1907, à 33 ans, la cinéaste épouse Herbert Blaché, représentant anglais de Gaumont à Berlin, de neuf ans son cadet. Le couple est rapidement envoyé aux États-Unis pour représenter l’entreprise. Là-bas, la carrière d’Alice explose. Elle fonde sa propre société de production, construit un studio et est alors considérée comme la femme la mieux payée outre-Atlantique. En 1919, sa vie vire cependant au drame. Son mari la quitte pour une actrice d’Hollywood et, après leur divorce, elle découvre que ce dernier gérait mal leurs finances. Alice est contrainte de vendre son studio pour éponger ses dettes. De retour en France, elle tente de retrouver son rang dans le monde du cinéma, mais les places sont prises… En 1968, les projecteurs s’éteignent sur la vie d’Alice Guy, âgée de 95 ans.

Cet article est paru dans le Télépro du 15/12/2022

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