Albert Londres : «Porter la plume dans la plaie»

Albert Londres © France 5/SCN Archives nationales/Gédéon Programmes
Alice Kriescher Journaliste

Au travers d’extraits de ses articles les plus fameux, France 5 nous emmène ce dimanche à 22h10 dans les pas du célèbre reporter français (1884-1932), avec le documentaire «L’Odyssée d’Albert Londres, histoire d’un grand reporter».

De la Première Guerre mondiale au début des années 1930, Albert Londres a donné ses lettres de noblesse au journalisme, en se battant pour éclairer l’opinion publique et dénoncer les scandales de son temps. Portrait.

Témoin d’une époque

Né le 1er novembre 1884, à Vichy, c’est en 1904 qu’Albert Londres fait ses débuts dans le journalisme et devient correspondant, à Paris, pour le quotidien lyonnais, Salut Public. Rapidement repéré, il est embauché par la concurrence, Le Matin, pour chroniquer la vie politique à la Chambre, «des chroniques non-signées comme le veut la tradition du journal», détaille France Info.

En 1914, la face du monde s’apprête à changer alors qu’éclate le premier conflit mondial. Albert Londres, réformé, s’implique en tant que correspondant de guerre. Le 19 septembre, il est à Reims lorsque la cathédrale gothique est bombardée. En bon témoin/journaliste, il décrit l’événement dans un article cette fois signé. «Ils ont bombardé Reims et nous avons vu cela. (…) Nous n’avons plus compté les coups. Ils tombaient sans relâche (…). Dix minutes après, nous vîmes tomber la première pierre. C’était le 19 septembre 1914, à sept heures vingt-cinq du matin.»

Un style inédit dans la profession qui fait sensation. La légende du reporter Albert Londres est lancée.

Globe-reporter

«Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie.» Voilà comment Londres décrivait son métier de reporter. Ces plaies sociétales, il veut aller les voir au plus près et, durant la guerre, pour Albert, elles sont ailleurs que sur le front nord.

«Ayant rompu avec Le Matin qui ne veut pas le laisser partir, c’est pour Le Petit Journal, l’un des quotidiens les plus lus en France, qu’il raconte les combats de l’armée d’Orient en 1915», détaille le site du Routard.

À partir de ce moment, plus aucune frontière n’arrête Albert Londres et la fin de la guerre n’y changera rien. En 1922, le globe-trotter part en Inde où il rencontre Gandhi. En 1923, il décrit les conditions carcérales abjectes du bagne de Cayenne, pour un autre journal, Le Petit Parisien. Son reportage fait grand bruit et met en sursis ce pénitencier. En 1929, il rencontre la communauté juive et relate l’antisémitisme grandissant en Europe.

Côté sujet, Albert Londres ne s’interdit rien. Il passe du Tour de France et des exigences physiques intenables demandées aux cyclistes, aux asiles psychiatriques, pour y dévoiler les mauvais traitements, ou encore, il détaille les nombreux décès de travailleurs congolais œuvrant pour la construction de voies ferrées.

Londres assassiné ?

Dans la nuit du 15 au 16 mai 1932, le paquebot qui ramène Albert Londres de Chine, où il a effectué une longue enquête, est victime d’un court-circuit qui provoque un incendie. Sur les 500 passagers, une cinquantaine manque à l’appel lors de l’évacuation, dont Albert Londres.

Les circonstances exactes de son décès sont troubles. Est-il mort noyé ou par les flammes ? Avant son retour, il avait confié à son futur gendre que son reportage allait faire l’effet d’une «dynamite». Les informations qu’il avait récoltées en Chine sont-elles la raison de sa disparition ? Si pour certains il ne s’agit là que de thèses complotistes, pour d’autres, Londres a été assassiné. Le mystère reste entier.  

Prix prestigieux

Depuis 1933, chaque année, le «Prix Albert Londres» récompense les meilleurs reportages journalistiques francophones. En 2021, c’est la journaliste Caroline Hayek qui a reçu ce prestigieux honneur, pour une enquête sur la vie au Liban après la double explosion du port de Beyrouth.

Cet article est paru dans le Télépro du 24/11/2022

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