Adèle Hugo, derniers jours d’une internée
De la place des Vosges à Guernesey, France 5 nous embarque sur les traces d’Adèle Hugo, seconde fille de l’écrivain et d’Adèle Foucher, ce dimanche à 22h30
Pour ceux qui n’ont pas vu «L’Histoire d’Adèle H.», film de François Truffaut sorti en 1975, dans lequel Isabelle Adjani incarne la fille de l’auteur de «Ruy Blas», connaître les grandes lignes du destin de la petite dernière du clan Hugo n’est pas une évidence. Retour sur le destin tragique d’Adèle H.
L’autre fille
Après Léopold, venu au monde en 1823 et mort en bas âge, Léopoldine née l’année suivante, Charles deux ans plus tard et François-Victor en 1828, tel un métronome, le couple Hugo/Foucher voit son nid s’agrandir en août 1830 avec l’arrivée d’Adèle. Victor Hugo émet, selon certains, quelques doutes sur sa paternité dans l’ouvrage «Cet inconnu» avec les vers suivants : «J’ignore, ange endormi, si je suis votre père», son épouse ayant entamé, la même année,une relation avec le critique littéraire Sainte-Beuve. Rumeur ou réalité, quoi qu’il en soit, le dramaturge ne traitera pas Adèle différemment des autres. Sensible, intelligente et démontrant de manière précoce un talent pour le piano, elle est aussi très attachée à sa sœur aînée. La vie de la petite fille bascule en 1843, lorsque Léopoldine se noie (Adèle sera en fait la seule des cinq enfants Hugo à survivre à son père).
Personnage hugolien
En 1851, après le coup d’État du futur Napoléon III, Victor Hugo prend le large, direction l’île anglo-normande de Guernesey. Adèle, toujours en proie à la dépression depuis le décès de sa sœur, suit son paternel dans l’exil. Sur place, pas grand-chose pour égayer le quotidien d’une jeune femme. Elle joue alors inlassablement au piano et tient le journal de bord familial. Jusqu’au jour où, lors d’une séance de tables tournantes, comprenez de spiritisme, dont Victor Hugo était friand, Adèle est réveillée par le charme de l’un des invités : Albert Pinson, lieutenant. «Ce dernier a une brève aventure avec Adèle qui en tombe éperdument amoureuse», relate Le Nouvel Observateur. «Mais Pinson, qui a compris qu’il a devant lui une femme au bord de la folie, s’éloigne.»
Trente ans d’internement
Exit le vague à l‘âme. Éconduite, Adèle s’enfonce dans des troubles psychiatriques bien plus spectaculaires. «Désormais, elle n’aura de cesse de le traquer. Pinson est cantonné à Halifax, au Canada ? Elle y va», poursuit l’hebdomadaire. «Le bel officier a jadis été emprisonné pour dettes ? Elle promet de tout rembourser, puis tente de lui faire croire qu’elle a mis au monde un enfant de lui…» Un amour obsessionnel qui va se muer en véritable érotomanie. Alors qu’elle a suivi le lieutenant jusqu’à la Barbade, Adèle se fait appeler Madame Pinson et écrit à ses parents que ses noces sont imminentes… Il n’en est évidemment rien. Tandis qu’Albert a mis les voiles, Adèle poursuit son délire aux Caraïbes. Heureusement, une bonne samaritaine, Madame Baa, la prend en charge sur place et tente d’apaiser ses maux. «L’errance amoureuse se termine en 1872. Adèle rentre en France, où elle est placée en maison de santé.» À la mort de son père, en 1885, elle est internée dans un hôpital à Suresnes et y rendra son dernier souffle le 21 avril 1915.
Malle au trésor
Si la folie fut l’une des composantes principales de la vie d’Adèle H., la musique le fut tout autant. Particulièrement douée, elle rêvait d’écrire un opéra et a été la première à mettre en musique le célébrissime texte de son père, «Les Misérables». En 2004, le compositeur Richard Dubugnon se rend à Guernesey pour y consulter le contenu d’une malle remplie des partitions d’Adèle Hugo auxquelles personne ne prête attention. Presque vingt ans plus tard, après les avoir archivées, corrigées, complétées et remises bout à bout, Richard Dubugnon a pu présenter dix-sept mélodies signées Adèle Hugo lors du Festival de musique classique Berlioz édition 2023.
Cet article est paru dans le Télépro du 18/7/2024
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