30 juin 1934 : la grande purge de «La Nuit des Longs Couteaux»

Entre épuration et stratégie, les loups nazis se sont mangés entre eux lors de la nuit des Longs Couteaux. Le documentaire, « La Nuit des Longs Couteaux », diffusé ce samedi à 21h05 sur La Trois, revient sur ces événements.

Une détonation vient de retentir. Dans la cellule de la prison de Stadelheim à Munich où il vient d’être incarcéré, un homme baigne dans son sang. Ernst Röhm, le chef de la milice nazie Sturmabteilung (section d’assaut), la SA, vient d’être assassiné. Le bras armé du Führer, un fidèle de la première heure, un des rares à encore tutoyer Adolf Hitler, est l’une des principales victimes d’une gigantesque purge organisée par son ami et maître. L’histoire retiendra les événements sous le nom de «Nuit des Longs Couteaux». Pour comprendre son contexte, revenons quelques années en arrière.

La section d’assaut

Novembre 1918. La Grande Guerre s’achève. L’Allemagne capitule. Dans le camp des battus, nombreux sont les soldats et officiers que l’humiliation de la défaite laisse amers et revanchards. Ernst Röhm en fait partie. Les combats auxquels il a participé en France lui ont valu une croix de fer, le grade de capitaine, de larges cicatrices sur son faciès de bulldog, mais aussi des idées extrêmes qui trouvent un écho quelques mois plus tard.

En 1920, une rencontre bouleverse sa vie. Alors qu’il assiste à un meeting du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (le parti nazi) dans un hôtel de Munich, le charisme et la verve de l’orateur le fascine. Il s’appelle Adolf Hitler. Antisémite, anticapitaliste, révolutionnaire : Röhm a trouvé son mentor. Un an plus tard, les deux hommes fondent les Sections d’Assaut (SA). Les chemises brunes (leur surnom en raison de la couleur de leur uniforme) du groupe paramilitaire font régner la terreur. 1923 : la tentative des nazis de s’emparer du pouvoir en Bavière échoue. Hitler et Röhm sont emprisonnés. Libérés, les relations entre eux se distendent. Elles reprennent en 1928 avec la victoire électorale du Parti national socialiste. La SA s’empare à nouveau de la rue, fait le coup de poing avec d’autres milices, multiplie les exactions contre les Juifs et pourchasse les opposants de tous poils.

Un allié gênant

En 1933, Adolf Hitler accède au pouvoir. Le Chancelier peut s’appuyer sur une SA forte de 100.000 chemises brunes. Parmi ces hommes : des anciens combattants, mais aussi de nombreux chômeurs, des déçus du socialisme et des délinquants. «Ernst Röhm parvient à transformer ses SA en une armée paramilitaire, faisant passer les effectifs de 100.000 à près de trois millions d’hommes en 1934», note le magazine Geo.

Röhm, l’ami de la première heure, prend de plus en plus de place. Lentement mais sûrement, il devient un allié gênant pour le Führer. Voire un ennemi à abattre. C’est que le discours de Röhm est de plus en plus tranché. Anticapitaliste, il a des envies de révolution, mais aussi d’hégémonie. Il se verrait bien à la tête d’une armée allemande complètement noyautée par la SA. Des paroles inaudibles tant dans les milieux conservateurs que dans les cercles militaires. Or, Hitler a besoin des uns et des autres pour assouvir ses rêves de pouvoir absolu. À la fin du mois de juin, il tranche.

Une nuit de 3 jours

Le 30 juin à l’aube, entouré de sa garde personnelle, Hitler en personne débarque, arme au poing, dans l’auberge bavaroise où logent Röhm et les hauts responsables de la SA. Himmler, le chef des services de renseignements de la SS (et accessoirement ennemi juré d’Ernst Röhm) a inventé de toutes pièces les preuves d’une tentative de coup d’État fomenté par le chef des chemises brunes.

Celui-ci est arrêté par le Führer lui-même. Emprisonné, il croit à une erreur, refuse le suicide qu’on lui propose en laissant une arme dans sa cellule. Il y sera exécuté le 2 juillet. Entre le 30 juin et le 2 juillet, deux cents personnes sont éliminées, membres de la SA, nazis de la première heure opposés à Hitler, ancien chancelier, militants catholiques… La SA est muselée : l’armée et les conservateurs sont rassurés. Entouré de ses SS, Hitler est redevenu l’homme de la situation. Un peuple, un empire, un guide : le monde peut trembler.

Cet article est paru dans le magazine Télépro du 18/6/2020