2024 : l’odyssée de l’espèce
Samedi à 23h35 avec le documentaire « Le Mammouth, une résurrection en laboratoire ? », Arte nous embarque aux quatre coins du monde à la découverte de chercheurs qui se mobilisent pour recréer des espèces éteintes ou en danger d’extinction.
Trente et un ans après la sortie du premier opus de la saga « Jurassic Park » imaginée par Steven Spielberg, la réalité est en passe de rattraper la fiction. Et s’il ne s’agit pas d’avoir, dans un futur proche, un T. Rex pour animal de compagnie, nous n’avons cependant jamais été aussi près d’être en mesure de réintégrer des espèces éteintes dans notre nature.
Pistes multiples
Dans l’univers scientifique de la résurrection d’espèces, plusieurs techniques sont envisageables pour jouer au démiurge en blouse blanche. La première est le clonage du dernier représentant de l’espèce éteinte. Condition indispensable pour employer cette méthode : avoir conservé au frais un spécimen de l’espèce en question. Des expériences entreprises pour faire revenir d’entre les morts, notamment, le bouquetin des Pyrénées. Tentative soldée par un échec, le clone n’ayant survécu que quelques minutes après sa naissance. Autre possibilité, partir d’un descendant de l’animal disparu pour remonter vers son ancêtre d’origine en pratiquant croisements et sélections génétiques. « Depuis 2013, un projet vise à faire renaître l’aurochs, le taureau des fresques de Lascaux, à partir de bovins domestiques », indique Ça m’intéresse. Enfin, la dernière possibilité est « la technique dite de l’ingénierie génétique », détaille Le Monde. « Elle consiste à séquencer le génome d’un animal éteint et à insérer les morceaux d’ADN qui font sa spécificité dans le génome d’une espèce cousine toujours vivante. »
Debout là-dedans !
C’est avec l’ingénierie génétique que le laboratoire américain privé Colossal Biosciences, créé en 2021, entend ressusciter le dodo, un oiseau de l’île Maurice exterminé au XVIIe siècle, le tigre de Tasmanie, sorte de loup marsupial dont l’espèce s’est éteinte dans les années 1930 et, plus spectaculaire, le mammouth laineux, disparu il y quatre mille ans. « Les chercheurs travaillent à produire ex vivo (avec des utérus artificiels) des embryons à partir de cellules prélevées sur des mammouths, libérés des sols dégelés de Sibérie, et d’ovocytes d’éléphantes d’Asie, dont le génome correspond à 99,6 % à celui de l’ancien mastodonte », explique-t-on dans le documentaire. Un tel projet suscite forcément de nombreuses questions, tant d’un point de vue éthique qu’écologique. Pour les chercheurs impliqués, pas de tracas, la réintroduction du mammouth laineux en Arctique lui permettrait de s’épanouir sans être en conflit avec les hommes et, toujours selon eux, de carrément lutter contre le réchauffement climatique, comme le relaie France Info : « Dans le passé, les mammouths jouaient un rôle de régénérateurs du permafrost, en enfonçant la glace de ce sol gelé des régions nordiques, qui a un rôle crucial dans le stockage du carbone. »
Sauver les vivants
Si les protagonistes de la « désextinction » se montrent forcément enthousiastes, c’est loin d’être le cas de l’ensemble de la communauté scientifique. Des doutes sont émis quant à l’argument écologique du permafrost car, pour que cela fonctionne, il faudrait donner naissance à suffisamment d’éléphants hybrides. Ensuite, l’intérêt pour la « résurrection » nous détournerait d’une urgence bien plus fondamentale : sauver les animaux actuellement en péril. Cette course à l’exploit scientifique pourrait générer une fausse croyance dans l’esprit du public : « Il y a un réel danger à dire que si nous détruisons la nature, nous pouvons simplement la reconstituer – parce que nous ne le pouvons pas », s’inquiète Stuart Pimm, titulaire de la chaire d’écologie de l’université de Duke, en Caroline du Nord. Malgré ces voix qui s’élèvent, aujourd’hui, Colossal Biosciences compte bien poursuivre ses recherches et les scientifiques espèrent que leur premier bébé mammouth verra le jour d’ici 2028.
Cet article est paru dans le Télépro du 31/10/2024
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