Triangle des Bermudes de l’espace : rififi spatial dans l’Atlantique Sud

Extrait de «Matière grise» (RTBF) © RTBF

Une anomalie du champ magnétique perturbe les satellites et inquiète les scientifiques. Mercredi, «Matière grise» (La Une à 23h10) se penche sur ce phénomène mystérieux.

Il s’appelle Hitomi, en français : la pupille. En ce 17 février 2016, dans un bruit de tonnerre, ce télescope spatial long de 14 mètres s’arrache lentement du pas de tir à bord de la fusée qui l’emmène sur orbite, à 575 kilomètres de la Terre. Hitomi emporte avec lui tous les espoirs des scientifiques de l’agence spatiale japonaise Jaxa qui l’ont conçu. Ils attendent désormais avec impatience les résultats de ses observations de trous noirs et d’amas de galaxies.

Cinq semaines plus tard, c’est la désillusion. Alors qu’il faut le manœuvrer et l’orienter en position d’observation, les contrôleurs au sol perdent subitement le contrôle de l’engin. Malgré les tentatives pour le sauver, le satellite, qui a coûté près de 300 millions d’euros, est irrémédiablement perdu.

La faute à l’AMAS

Que s’est-il donc passé ? Les scientifiques se rendent compte que l’incident est survenu à un moment très particulier, lorsque Hitomi a pénétré dans ce qu’on appelle l’Anomalie magnétique de l’Atlantique Sud (AMAS), une région située entre l’Amérique du Sud et le sud-ouest de l’Afrique. Pour tenter de comprendre ce qu’il s’y passe, il faut d’abord plonger dans les entrailles de la planète, à près de 3.000 kilomètres sous le continent africain, là où se trouve le noyau métallique liquide de la Terre.

Composé de fer et de nickel, son mouvement conjugué à la rotation de la planète est à l’origine de ce qu’on appelle le champ magnétique terrestre, un champ magnétique décrit par le portail Web Futura comme un véritable bouclier protecteur, «essentiel dans la préservation de la vie sur notre planète : il dévie les particules mortelles des vents solaires». Des particules qui nous offrent en guise d’adieu le magnifique spectacle des aurores australes et boréales. Jusque-là, que du bonheur… jusqu’au moment où des scientifiques constatent que ce champ magnétique diminue progressivement au-dessus de l’Atlantique Sud.

Depuis 11 millions d’années

Ces 50 dernières années, son intensité a diminué de près de 10 %. De plus, la zone se déplace vers l’ouest de 20 kilomètres par an : «Au cours des cinq dernières années, un second foyer de faible intensité semble avoir émergé au sud-ouest de l’Afrique, suggérant que l’anomalie pourrait être en train de se séparer en deux cellules distinctes». Ce qui se passe dans cette zone n’aurait aucun impact notoire sur la vie humaine.

En revanche, télescopes et instruments spatiaux ne sont pas logés à la même enseigne. Hubble par exemple. Chaque fois que le télescope spatial se trouve dans la région, (il y passe 15 % de sa vie), il faut éteindre ses caméras. Même précaution pour l’Explorateur de connexion ionosphérique de la NASA dont les composants électriques doivent être désactivés. Conséquences possibles, comme l’indique NeozOne.org : des pertes de données importantes, voire des dommages permanents aux composants clés.

Impact sur la vie en surface

Plus interpellant, un scientifique de l’agence spatiale américaine, estime que «ce trou pourrait impacter la vie en surface au fil du temps, en nous exposant à des particules à haute énergie qui troubleraient les réseaux électriques ou, pire encore, en s’attaquant aux gaz qui protègent notre atmosphère».

Autres questions soulevées : ce phénomène pourrait-il entraîner une inversion des pôles et avec quelles conséquences ? Des paléomagnéticiens ont découvert que des anomalies de ce type existaient il y a huit à onze millions d’années. «L’AMAS est une caractéristique récurrente et probablement pas le signe d’un renversement imminent», concluent-ils. Pas question d’envoyer une capsule dans le centre de la Terre pour la sauver d’une destruction imminente, comme dans le film catastrophe «Fusion». Pas tout de suite en tout cas.

Cet article est paru dans le Télépro du 29/4/2021

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