Tout le monde sur le pont !
Mercredi à 23h05 sur La Une, «Matière grise» revient sur une invention extraordinaire, qui révolutionna le transport maritime.
Dès le milieu du XVe siècle, les Européens se doivent de contourner la puissance ottomane et de s’assurer des marchés qui leur sont encore interdits. Le Moyen Âge avait vu les Arabes et les marchands des grandes villes d’Occident se disputer les mers. Les premiers étaient nantis d’une expérience maritime et d’une technologie, comme l’usage de la boussole, certes encore rudimentaire, mais suffisamment précise pour se lancer en haute mer. Les seconds, moins aventuriers, pouvaient compter sur une multitude de ports leur ouvrant l’accès aux villes hanséatiques, fleuron du commerce médiéval et sorte de marché commun avant l’heure.
La caravelle
Le Portugais Henri le Navigateur, fils du roi Jean Ier , choisit de tenter de doubler l’Afrique dans l’espoir, comme court la rumeur à l’époque, que la Terre soit bien ronde. Les Espagnols optent pour une route maritime qui conduit aux Indes par l’ouest. Les grandes découvertes ne sont compatibles qu’avec de nouveaux navires et des techniques innovantes. La caravelle répond à ces besoins. C’est un voilier d’environ 40 mètres, au profil affiné, doté de trois mâts sur lesquels étaient hissée une série de voiles aux dimensions différentes, lui assurant une bonne vitesse et une maniabilité relativement aisée. Mais la caravelle demeure essentiellement un moyen de découverte incapable de transporter des marchandises ou d’assurer sa défense, laissant ce soin aux caraques et aux galions. Ces derniers sont très lourds par les pièces d’artillerie qu’ils emportent et incapables de dépasser les vents de travers.
Calculer au plus près
Il reste à assurer la formation des marins capables d’amener de tels navires à destination. Henri le Navigateur crée une école à Sagres, les Espagnols à Séville sous la direction d’Amerigo Vespucci. La navigation réside encore dans une bonne part de feeling. Elle se fait encore «à l’estime», et même si la latitude est mesurée astronomiquement, la longitude ne peut guère être encore déterminée. Elle le sera au XVIIIe siècle avec l’apparition des chronomètres. Certes, l’estime profite de l’aide du compas, assez approximatif, de la dérive et du sablier, mais il faut une autre découverte technique majeure attribuée à Christophe Colomb, celle de la déclinaison magnétique et des règles régissant ses variations, pour rendre le pilotage plus précis. Ce n’est pas tout : autrefois, la navigation se faisait en observant la position de l’étoile polaire. Mais à partir du moment où les marins ont su calculer la hauteur du Soleil par rapport à son passage au méridien, les mers australes leur étaient ouvertes. La latitude pouvait ainsi être déterminée par une autre référence astrale.
Contre vents et marées
Mais demeure un élément à comprendre et à dompter : le vent, dont la connaissance du régime est essentielle, notamment pour longer les côtes de l’Afrique et surtout les remonter. Les Portugais mettent alors au point la volta, qui consiste à se jouer des vents et des alizés contraires en les évitant, notamment par d’autres voies maritimes. Les instruments de navigation et les cartes suivent ces évolutions. Ainsi, l’astrolabe, qui permet de mesurer la hauteur des étoiles et du Soleil ainsi que sa direction, donne naissance à un astrolabe nautique plus adapté aux déplacements marins. Il sera complété par l’arbalestrille, autorisant la mesure angulaire entre deux astres, ou encore l’arbalète, qui a la même fonction. Enfin, les différentes observations que les pilotes avaient consignées durant leurs voyages viennent sans cesse compléter les manuels de navigation, ainsi que les diverses cartes qui conduisent de plus en plus loin les conquérants des mers.
Cet article est paru dans le Télépro du 2/2/2023
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