Yannick Choirat («Un homme abîmé») : «Le viol masculin reste un sujet tabou»

Anne Marivin et Yannick Choirat dans «Un homme abîmé» © France 2/Storio Television/Benoît Linder
Nicole Real Journaliste

Ce mardi à 21h10, France 2 diffuse «Un homme abîmé», un téléfilm bouleversant qui aborde le sujet toujours tabou du viol masculin. Dans le rôle principal, l’acteur Yannick Choirat incarne, avec justesse, Vincent Ferrante. Cet époux et papa comblé est aussi un brillant avocat qui, après avoir été drogué et violé, se retrouve totalement désemparé.

Quelles sont vos critères pour choisir un rôle ?

En général, je choisis ceux qui me donnent la possibilité d’évoluer en tant qu’être humain, ce qui est le cas de Vincent. En tant qu’acteur, on s’exprime à travers les textes en les chargeant de notre humanité, de nos pensées et de nos engagements. Plus les mots sont proches de notre ressenti, plus ils sont justes. Ce qui n’exclut pas aussi l’envie de jouer des comédies.

Comment avez-vous réagi à la lecture du scénario ?

On me l’avait envoyé en me précisant que plusieurs acteurs avaient refusé le rôle, j’étais donc à la fois un peu troublé et intrigué. Après l’avoir lu d’une seule traite, je savais qu’il était impératif que je tourne ce film parce que cette histoire dramatique recelait aussi d’autres idées que j’avais envie de transmettre aussi bien en tant qu’acteur, qu’être humain.

Pouvez-vous nous préciser quelles étaient ces idées ?

Derrière la question importante du viol se cache la métamorphose d’un homme. Par le biais de ce grave traumatisme, Vincent remet en question tout son système de valeurs masculines. Pour continuer à correspondre à l’image de l’homme tel qu’on lui a appris à l’être, il commence par un déni avant finalement de se transformer en acceptant d’être une victime et de recourir à l’aide des autres. Pour moi, cette vulnérabilité est le sujet central du film. Un homme ne se cantonne pas forcément au courage, à la force et à la virilité, il peut aussi montrer d’autres qualités et autrement.

Avez-vous rencontré des hommes victimes de viol ?

Non, comme ce drame n’est pas une histoire de genre mais de violence, qui est la même pour tous, j’ai lu des témoignages d’hommes mais aussi de femmes. Homme ou femme, nous sommes avant tout des êtres humains et pour toutes les personnes, la violence subie est la même. Le côté tabou sur le viol masculin est la conséquence de toutes les injonctions que la société nous impose en tant qu’homme. Dans le film, au commissariat, le policier se montre hyper froid et manque totalement d’empathie car il ne comprend pas du tout ce drame.

Comment avez-vous préparé ce tournage qui comportait des scènes très explicites ?

Emotionnellement, c’était assez chaud. Lorsqu’on vous confie un rôle de cette nature, vous avez la sensation d’interpréter un drame dont certaines personnes ont souffert réellement dans la vie. Pour refléter ce miroir, il faut plonger dans des états d’âme forts, violents, difficiles mais le fait que cette fiction avait du sens pour moi et, afin de rester au plus près de la vérité, je me suis complètement lâché. Pour que les gens en ressentent toute la violence, la scène du viol qui était assez compliquée à tourner, était uniquement très technique.

Grâce à ce téléfilm, avez-vous pris conscience de la réalité du viol masculin ?

Bien sûr et il reste un sujet tabou. Dans l’inconscience collective, nous les hommes avons des règles de chevalerie : un garçon doit être fort, il ne doit pas pleurer et être courageux. Ma seule peur était, que suite au mouvement #metoo, cette fiction laisse penser que les hommes se revendiquaient aussi comme des victimes de viol, ce qui n’est évidemment pas du tout le sujet du film.

Comment avez-vous établi la complicité avec votre partenaire Anne Marivin, qu’on a plutôt l’habitude de voir dans des comédies ?

Anne est une partenaire en or. En plus d’avoir énormément d’humour, c’est une comédienne qui bosse beaucoup son rôle, très ouverte aux propositions et très généreuse dans le jeu. Elle n’a pas peur de douter ou de se remettre en question. Comme le sujet était difficile, il était très agréable travailler avec elle en totale confiance.

Vous êtes-vous posé la question de votre réaction si vous étiez victime d’un viol ?

Oui même si on ignore comment on réagirait réellement, si cela m’arrivait, je suppose que contrairement à Vincent et, comme j’ai pu grâce à ce rôle y réfléchir en amont, j’irais plus rapidement déposer plainte.

Que représente à vos yeux, les nombreuses récompenses reçues par le film ?

Avant tout une très belle reconnaissance de notre travail et un coup pouce précieux pour inciter le public à regarder ce téléfilm.

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